L’Allemagne vraiment keynésienne ?

En Septembre dernier nous avions relevé que pour le plan de relance « anti-Covid », l’Allemagne avait frappé très fort et selon des méthodes dont elle n’était pas coutumière (voir notre billet de l’époque).

Il s’avère que ceci n’était pas seulement une exception. Une transformation des esprits est en cours outre-Rhin. L’Allemagne prend conscience de l’érosion de son modèle industriel et commercial classique, et de sa fragilité face aux Etats-Unis et à la Chine. Et ceci l’amène à remettre en cause sa pensée ordo libérale dans laquelle l’Etat régule mais se mêle le moins possible des entreprises.

Plusieurs événements ont favorisé cette évolution. D’abord les frontières se sont fermées en Europe en mars 2020. La libre circulation est bloquée. Les chaînes de production qui s’étendent dans certaines directions sont rompues (par exemple en Italie du Nord). L’industrie automobile allemande, premier secteur industriel du pays, cale.

Ensuite certains biens deviennent inaccessibles, par exemple les masques.

Enfin la faillite frauduleuse de Wirecard montre la fragilité de la place financière allemande. Celle-ci ne sait pas détecter les fraudes et est incapable de financer correctement les innovations de rupture. Les entreprises allemandes se méfient des marchés financiers et se financent plutôt auprès de leurs banques, qui sont incapables de financer les investissements les plus risqués.

Un autre exemple retentissant est le succès de BioNtech, qui arrive la première dans la course au vaccin. Elle doit son succès au soutien de deux milliardaires, les frères Strungmann. Mais ils ont dû s’allier avec Pfizer et introduire l’entreprise en bourse à New York.

La BDI, la grande fédération industrielle allemande, a publié dès 2019 un rapport demandant de « renforcer la souveraineté technologique » européenne face aux plateformes américaines et chinoises.

En résumé, il faut rendre l’Europe si forte qu’elle ne soit jamais forcée de choisir un camp ou l’autre. Tout un programme …

Source : C. Boutelet « Berlin se convertit à la politique industrielle » Le Monde 26/01/2021.