Fiche N°16 : Les soldes financiers des secteurs

 

Les « secteurs Â» utilisés ici sont des sous-ensembles de l’économie française qui sont agrégés pour mettre en évidence certaines grandeurs. Couramment on distingue

– Le Secteur Public, que nous appellerons l’Etat

РLes Entreprises, parmi lesquelles on distingue souvent les entreprises financi̬res et les autres.

Рles M̩nages, y compris les entreprises individuelles.

– l’Extérieur

Ce dernier agrégat peut surprendre. Nous verrons qu’il sert à prendre en compte les flux vers et de l’étranger, ainsi qu’à boucler certaines relations entre les autres agrégats.

 

La capacité de financement

Le solde financier d’un secteur peut être défini comme les liquidités qui restent une fois que toutes les dépenses ont été réglées, y compris les dépenses d’investissement non financiers (tels que des immeubles ou des machines). On l’appelle aussi souvent, pour être plus précis, « capacité de financement Â». On peut l’appeler aussi « Ã©pargne financière Â» car c’est ce qu’on peut placer en actifs financiers une fois réglées toutes les dépenses de la période. Ici, le contexte étant clair, nous parlerons le plus souvent de « solde financier Â».

Les statisticiens ont 2 manières de calculer ces capacités de financement. La première est de partir des revenus agrégés, d’effectuer les transferts (impôts, cotisations sociales et transferts sociaux ou autres). Si on retranche enfin la consommation finale, on a l’épargne totale, puis, en retranchant encore les acquisitions d’immobilisations, la capacité de financement.

La deuxième est de mesurer les variations des actifs financiers dans le patrimoine du secteur considéré, puisque toute capacité de financement est transformée en actif financier. Ceci permet un recoupement, bien que les deux manières de faire ne concordent pas parfaitement en raison des erreurs statistiques. Nous utiliserons dans nos exemples les chiffres de l’INSEE, qui sont calculés par le premier procédé.

 

Les relations entre capacités de financement des différents secteurs

Les dépenses pour un secteur étant des recettes pour un autre secteur, les soldes ne sont pas indépendants. Pour l’illustrer, nous allons démontrer pour 3 secteurs (Etat, Privé, Extérieur) la relation

Solde Privé + Solde Etat + Solde Extérieur = 0 (1)

Le schéma ci-dessous précise les flux concernés. Les secteurs sont symbolisés par une lettre : P = Privé, E = Etat, O = Extérieur. Les flux sont symbolisés avec ces lettres. Par exemple un flux du secteur Privé vers le secteur Etat est noté FPE.

 

On a par définition (flux entrants diminués des flux sortants)

Solde Privé = FEP + FOP â€“ FPE â€“ FPO

Solde Etat = FPE + FOE â€“ FEP â€“ FEO

Solde Extérieur (calculé comme les autres secteurs) = FPO + FEO â€“ FOP – FOE

On vérifie alors aisément la relation (1). Dans un ensemble de secteurs échangeant les uns avec les autres, la somme des soldes financiers est nulle.

Il nous faut parler un peu plus du solde « extérieur Â». En effet, les flux entrant et sortant de ce secteur sont en fait des flux transfrontières. La différence entre les flux entrant et sortant est donc en fait une composante de la balance des paiements. S’agit-il du même concept ?

Malheureusement pas exactement. D’abord les sens des flux sont inversés. Pour calculer les soldes financiers un flux entrant dans le secteur « Extérieur Â» est compté comme positif, alors qu’il sort du pays. Il est donc négatif au sens de la balance des paiements. Il faudrait donc au minimum inverser les signes. Mais malheureusement cela ne suffirait pas. En effet, si la balance des biens et services est bien présente dans les deux cas, seuls les investissements non financiers sont retenus pour les soldes financiers alors que dans la balance des paiements ces investissements sont mélangés avec d’autres dans les « Investissements Directs à l’Etranger Â». Par conséquent, bien que les deux agrégats varient le plus souvent dans le même sens et ne soient pas très éloignés l’un de l’autre, ils ne sont pas identiques.

Cependant, il est important d’isoler le solde extérieur et de le changer de signe car il exprime une forme de balance extérieure qui intervient comme une contrainte sur le comportement financier des secteurs intérieurs. Pour nous démarquer à la fois du solde financier et de la balance des paiements nous appellerons donc ce solde « Balance Commerciale Â». Rappelons donc qu’il est calculé différemment des autres soldes financiers (c’est l’inverse du solde financier du secteur standard « extérieur Â»). D’autre part il contient, au sens de la balance des paiements, la Balance Courante (Biens, Services et Transferts), le compte de Capital, ainsi qu’une partie des IDE (Investissements Directs à l’Etranger).

Avec ce principe, nous pouvons réécrire la relation (1) comme suit

Solde Privé + Solde Etat = Balance Commerciale (2)

Le même raisonnement peut-être tenu avec un nombre plus grands de secteurs, par exemple :

Solde Entreprises +Solde Ménages + Solde Etat = Balance Commerciale (3)

 

Exemple de la France 2010

En 2010, les chiffres de l’INSEE sont donnés dans le tableau ci-dessous, qui appelle un petit commentaire.

Soldes financiers

Milliards €

%PIB

Administrations publiques

-136 899

-7,08%

Sociétés non financières

-26 270

-1,36%

Sociétés financières

31 619

1,64%

Total sociétés

5 349

0,28%

Ménages

89 032

4,61%

Balance Commerciale

-42 518

-2,20%

D’abord, on peut vérifier que le total des soldes (Administrations, Entreprises et Ménages) est égal à la « Balance Commerciale Â», qui est négative de 42 milliards d’euros (2,2% du PIB).

Ensuite, le solde de l’Etat (déficit public au sens large) est très important (on sort à peine de la crise de 2008). On s’aperçoit aussi que les ménages sont fortement excédentaires (épargne positive) et que les entreprises sont proches de l’équilibre. Toutefois, à l’intérieur des entreprises, on remarque que les sociétés non financières sont déficitaires, tandis que les entreprises financières sont excédentaires.

Le caractère structurellement « Ã©pargnant Â» des ménages est une constante de l’économie française. Les entreprises ont été plutôt négatives jusqu’aux années1980, mais ceci s’est atténué depuis qu’elles font moins appel aux banques pour leur financement et se tournent plutôt vers le marché ou vers l’autofinancement. Par conséquent seul l’Etat reste structurellement déficitaire. Il faut se souvenir de cette situation lorsqu’on parle du déficit de l’Etat.