Fiche N° 10 : Les transactions de change

Dans la Fiche N° 9, nous avons traité de la circulation des devises lors du règlement d’une transaction commerciale, mais nous avons laissé dans l’ombre la conversion, d’une devise dans l’autre, des sommes transférées, lorsqu’une telle conversion a lieu. Ici nous nous concentrons sur cette conversion, la transaction de change. Nous élargirons aussi notre propos à toutes les transactions qui se traitent sur le marché des changes, c’est-à-dire le marché sur lequel s’échangent les monnaies.

Commençons par la transaction de change simple, qui consiste à échanger une certaine quantité de devise X contre une certaine quantité de devise Y. Cette transaction de change peut avoir lieu pour financer une transaction de biens entre le pays de X et le pays de Y, ou pour spéculer sur le mouvement de ces devises dans un sens ou l’autre. Pour être concret nous supposerons qu’une entreprise internationale, dont les transactions sont centralisées à Paris veut acheter des yens et les payer en dollars.

Elle s’adresse à sa banque, la BNP, pour lui demander de faire la transaction. Comme celle-ci est habilitée à opérer sur le marché de gros des devises, elle fait elle-même la transaction(1). Si cela n’avait pas été le cas, elle se serait adressée à une banque habilitée. Dans les deux cas, la demande aboutit dans une salle de marché à un cambiste, qui va chercher un bon prix pour cette transaction, et va finalement faire affaire, par exemple avec la City Bank à New York. La BNP signale à la City Bank que les correspondant de la BNP sont, à New York, la Wells Fargo(2), et, à Tokyo, la banque UFJ. La transaction va finalement être livrée, au plus tard 2 jours après, par un mouvement de dollars aux USA, à partir de la Wells Fargo vers la City Bank (paiement des dollars), et un mouvement de yens au Japon, à partir du correspondant de la City Bank au Japon (par exemple la Mitsui) vers UFJ.

La BNP a donc grossi son compte courant en yens à UFG et diminué son compte courant en dollars à Wells Fargo. Elle répercute ce débit en dollars et ce crédit en yens à son client demandeur.

Comme nous l’avions remarqué dans la Fiche N°8, les mouvements de dollars sont confinés aux Etats-Unis, et les mouvements de yens au Japon. Par ailleurs, les volumes de dettes et créances transfrontières n’ont pas changé. En effet, pour les USA la Wells Fargo a diminué ses dettes envers la BNP du montant des dollars (par diminution de son compte courant en dollars), mais la City Bank a augmenté les siennes vis-à-vis de son correspondant la Mitsui du même montant (par augmentation du compte courant en dollars de la Mitsui). Cela se compense donc. Pour le Japon, la Mitsui a vu son compte auprès de la City Bank (qui est une créance) augmenter du montant des dollars, mais l’UFG a augmenté le compte de la BNP auprès d’elle (qui est une dette), du montant des yens. Cela se compense donc aussi. Enfin, pour la France, la BNP a diminué son compte courant auprès de la Wells Fargo du montant des dollars, mais a augmenté celui auprès d’UFJ du montant des yens. Le bilan est donc nul là aussi.

Ceci montre que les positions de dettes et créances des pays les uns envers les autres ne peuvent évoluer que par des transactions réelles ou par des transactions financières de prêts ou emprunts.

La transaction de change que nous venons de décrire est une transaction  » au comptant « . Une monnaie est échangée contre une autre à un taux fixé le jour de la transaction et les mouvements se font au plus tard 2 jours après. Elles représentent 31% en volume de toutes les transactions en 2001, mais la proportion semble stabilisée d’après les chiffres 2004.

Le deuxième type de transaction de change est la transaction à terme, dont il y a plusieurs variantes. La plus simple, le terme sec, consiste à livrer plus tard les devises échangées, à un taux négocié aujourd’hui (11% des transactions). Elle est utilisée par les entreprises commerciales pour se couvrir d’une variation de change lorsque le contrat sous-jacent n’est pas exécuté immédiatement. Une variante plus complexe est le swap, qui est en fait composée de deux transactions à terme sec, portant sur les mêmes montants et les mêmes devises, mais de sens inverses, à des dates futures différentes. Cette variante est utilisée par les banques pour se couvrir sur leurs opérations de change à court terme, il y en a donc un grand nombre (52% du total).

Enfin le troisième type est celui des  » produits dérivés  » de change. Comme d’autres produits dérivés, ce sont des contrats négociables dont la valeur est  » dérivée  » d’un actif sous-jacent, à savoir ici le taux d’échange d’une devise au comptant. Nous ne listerons pas toutes les variantes, qui sont nombreuses et très évolutives. En 2001, ils représentaient 6% des transactions de change. Il faut observer que dans ces transactions  » dérivées « , contrairement aux deux autres types, les devises de l’opération sous-jacente ne sont jamais livrées.

Pour terminer, donnons quelques chiffres sur les places financières principales dans ces transactions. Sur un marché de 1900 milliards de dollars environ en 2004, la place de Londres est le marché des changes le plus important avec 31% du total. New York suit avec 16% et Tokyo avec 9% (chiffres 2001). L’Euroland s’émiette entre différentes places dont les plus fortes sont Francfort avec 5% et Paris avec 3%.


(1) La BNP est un gros opérateur dans toute devises. Elle pourrait donc fournir directement les devises demandées, en les prélevant sur ses transactions courantes, et c’est sans doute le cas le plus fréquent (compensation interne). Nous supposons ici qu’elle doit acheter et vendre à l’extérieur, par exemple parce qu’il s’agit d’une grosse somme.

(2) Toutes les relations entre banques sont pure invention de notre part.