Fiche N° 9 : Les réglements transfrontières

Pour tout un chacun, la circulation des devises évoque l’obtention de billets pour faire un voyage à l’étranger. Dans la plupart des cas, ces billets proviennent du pays où la devise a cours, et y retournent lorsque les touristes les y dépensent, sauf si la devise acquiert le statut de monnaie de circulation dans le public à l’étranger. Un exemple du dernier cas est celui du dollar, qui a valeur de monnaie circulante dans de nombreux pays du monde. Il en a été de même, dans une moindre mesure, pour le deutschemark, et, aujourd’hui peut-être, pour l’euro.

Plus précisément, comment ces billets circulent-ils ? Lorsque votre banque vous fournit des dollars, elle les achète à la banque centrale contre débit de son compte (voir fiche N°4). La BCE a des dollars en réserve, elle peut donc les fournir. Par ailleurs, des américains demandent des euros, fournissant ainsi des dollars à la BCE. S’il y a plus de dollars demandés en Europe que de d’euros demandés aux USA, les réserves de la BCE en dollars billets diminueront et elle devra éventuellement en acheter ou en emprunter sur le marché ou auprès d’autres banques centrales.

Mais les mouvements de billets sont peu de chose vis-à-vis des autres mouvements de devises. Les entreprises n’emploient pas de billets, et les spéculateurs encore moins. Ils emploient la monnaie scripturale et passent à travers les banques.

Prenons l’exemple d’un entrepreneur américain de Seattle qui achète des composants électroniques à Tokyo, pour un montant de 100.000 yens ou 1000 dollars. Supposons que le règlement se fasse en dollars. Une fois faite la transaction de marchandises, l’entrepreneur s’adresse à sa banque, la Bank of Seattle, pour payer 1000 dollars au fournisseur japonais.

La Bank of Seattle débite évidemment l’entrepreneur de 1000 dollars, mais elle ne peut payer directement le fournisseur japonais, car ses activités sont purement domestiques. Elle s’adresse donc à la City Bank à New York, et lui demande de faire le paiement. Et elle règle la dette ainsi générée par des transferts entre les comptes à la Banque Centrale Fédérale. La banque de Seattle a donc diminué de 1000$ dans ses livres, à la fois, au passif, le compte de l’entrepreneur, et, à l’actif, ses liquidités à la Banque Centrale.

La City Bank s’adresse à son correspondant au Japon (par exemple sa filiale, la City Bank Tokyo), qui a évidemment un compte courant chez sa maison mère, et lui demande de régler le fournisseur japonais. En contrepartie elle crédite le compte de la filiale de 1000$. La City Bank à New York a donc, simultanément et pour le même montant de 1000$, diminué le compte courant de la banque de Seattle et augmenté celui de sa filiale.

La filiale à Tokyo va effectuer le règlement en direction de la banque du fournisseur, la Banque de Kyoto. Et cette fois-ci on aura deux cas :

1) La filiale convertit le règlement en yens. Dans ce cas les règlements entre banque se font normalement via la Banque Centrale (voir fiche N°4). En contrepartie de l’augmentation de son compte courant à sa maison mère, la filiale décrémente son compte courant à la Banque Centrale. De son côté, la Banque de Kyoto augmente son compte à la Banque Centrale et augmente aussi le compte courant du fournisseur en Yens.

2) La Banque de Kyoto a un compte en dollars auprès de la filiale de la City Bank, et elle autorise aussi ses clients à avoir des comptes en dollars (tout ceci est légal en régime de liberté des changes). Alors rien ne passe par la Banque Centrale. Les dollars circulent de compte en compte jusqu’au client final.

Précisons que le schéma commode de la filiale n’est pas général. En fait toutes les grandes banques négocient un accord, en général réciproque, avec une autre banque dans chaque pays du monde. C’est le  » correspondant « . Chacun s’oblige à payer dans sa monnaie nationale (ou une autre) les montants spécifiés par la  » banque répondante  » qui est à l’origine de la transaction.

Remarquons maintenant que dans tous les cas aucun dollar n’a quitté les Etats-Unis. Simplement, si on coupe la chaîne des dettes et créances au niveau de la frontière, les banques américaines dans leur ensemble ont une dette supplémentaire de 1000$ envers les banques japonaises. Ceci correspond à l’augmentation, à la City Bank, du compte courant de sa filiale.

Remarquons ensuite que la situation des banques à la Banque Centrale Fédérale n’a pas changé puisque l’augmentation du compte de la filiale est compensée par la diminution du compte de la BanK of Seattle.

Pourtant le fournisseur japonais possède 1000 dollars, qu’il peut utiliser ultérieurement. De même, la Banque de Kyoto possède une créance en dollars, qu’elle peut conserver, ou céder à une autre banque, ou à la banque centrale, pour obtenir des yens.

Le sort de ces créances en dollar dépend des flux globaux de dollars et de yens entre les USA et le Japon. S’il y a autant de mouvements dans un sens que dans l’autre, il y aura des compensations à tous les niveaux. L’entrepreneur pourra acheter aux Etats-Unis, utilisant ainsi les dollars acquis précédemment. Ou bien les banques utiliseront leur créance pour annuler la dette correspondant à une importation en dollars.

Mais il peut aussi y avoir déséquilibre. Le cas typique est un important surplus commercial du Japon, qui entraîne qu’il y a plus de dollars qui viennent des USA qu’il n’y en a qui y retournent. Il subsiste alors au Japon des créances en dollars, qui peuvent être utilisées pour faire des paiements en dollars au Japon ou partout dans le monde. Bien qu’aucun dollar ne soit sorti des Etats-Unis, des moyens de paiement en dollars ont été générés. Ce sont des  » eurodollars  » (ou plutôt ici des  » nippo dollars « ). Cette quasi-monnaie fera l’objet d’une autre fiche.