Nous n’avons pas pour vocation de prendre parti sur le Référendum. En revanche il nous semble utile d’éclairer la réflexion au plan technique et scientifique.
Le projet de Constitution ne contient que très peu d’innovations en matière de politique économique et monétaire par rapport aux traités antérieurs. Ces « écarts » sont d’ailleurs l’objet de débats que nous ne reprendrons pas ici. Au plan monétaire, pour la zone Euro, il reprend sans les modifier les articles du traité de Maastricht, inspirés par une ligne directrice qu’on peut rappeler en quelques mots :
-la Banque Centrale doit être indépendante du pouvoir politique(1)(art III-188)
-sa mission principale est la lutte contre l’inflation (art III-185)
-elle ne doit pas pouvoir financer directement par avance directe ou par achat d’instruments de dette, les administrations publiques (art III-181)
La priorité à la lutte contre l’inflation entraîne un objectif de plafond d’inflation assez faible de 2%, dont la conséquence, compte tenu de la dispersion des prix, est une baisse des prix sur de nombreux produits industriels.
Par ailleurs, la politique budgétaire est encadrée au niveau des Etats par le pacte de stabilité (art III-184) et au niveau du budget de l’Union par le fait qu’il ne peut être en déficit. Les relances budgétaires par l’Union ou par un des états sont donc rendus assez difficiles.
Enfin la gestion du taux de change de l’Euro est clairement subordonnée à la stabilité des prix. La ligne politique de la BCE vise à ce que l’Euro soit «fort», c’est-à -dire en pratique qu’il s’apprécie par rapport au dollar pour devenir une devise attractive sur les marchés internationaux. La Banque n’a pas mandat pour décider si l’Euro est sur ou sous-évalué; en revanche c’est elle qui dispose du levier le plus important avec ses réserves de change et sa possibilité d’intervenir sur le marché des changes. C’est au Conseil des Ministres qu’il appartient de donner les orientations de politique de change (art III-326) mais sur recommandation de la Commission ou de la BCE et sans affecter l’objectif principal de la BCE qui est la stabilité des prix… Bref, on ne sait pas très bien qui gère la politique de change, ce qui fait que finalement elle n’est pas gérée du tout. En pratique cela revient à dire qu’elle est subordonnée à la politique anti-inflationniste et non à la stratégie commerciale, comme cela devrait être au moins partiellement le cas.
En synthèse la Constitution européenne, comme les précédents Traités qu’elle reprend, consacre une politique monétaire dogmatique, déflationniste et indépendante de tout contrôle et débat démocratique.
On peut comprendre que l’abandon du Mark ait conduit les Allemands, favorables à l’époque à une monnaie forte qui leur réussissait, à exiger des garanties en la matière. Mais on comprend et on accepte plus difficilement que soit gravée dans le marbre d’une Constitution cette politique qui, conjuguée avec le pacte de stabilité, constitue un véritable carcan, dont on pourrait parier que personne ne voudrait aujourd’hui, pas même l’Allemagne.
Elle étouffe l’Union Européenne, dont la croissance devient anémique, et la désarme face à des concurrents (USA, Japon, Chine) qui ne se privent pas des trois principaux instruments de dynamisation de l’économie que sont la relance budgétaire, la stimulation monétaire et la baisse du taux de change de la monnaie.
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(1) Donc indépendante de tout contrôle démocratique …
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