Depuis les travaux de Milton Friedman, deux dogmes se sont imposés : la création monétaire est inflationniste et surtout quand elle est faite par et pour l’Etat. Il en découle une série de « recommandations » ayant acquis force d’évidence, comme l’interdiction faite à l’Etat de créer de la monnaie, celle faite à la banque centrale d’avancer de l’argent à l’Etat et aux administrations publiques, la définition de la mission principale de la Banque centrale comme gardienne de la stabilité des prix, etc.
Plus personne n’ose s’attaquer à ces dogmes tellement il sont ancrés dans les esprits, plus personne n’ose dire qu’il s’agit tout simplement de contrevérités historiques, et donc que les recommandations qui en découlent n’ont aucun fondement scientifique.
Faut-il alors rappeler pour combattre notre premier dogme (la création monétaire est inflationniste) que les banques secondaires ne cessent de créer de la monnaie depuis des décennies sans aucune corrélation avec le taux d’inflation ? On connaît depuis 30 ans en Europe et spécialement en France une période de faible croissance et de faible inflation ; néanmoins les banques ne cessent de créer de la monnaie…
Concernant notre deuxième dogme (« surtout quand c’est de la création d’origine publique») les raisons théoriques en sont particulièrement mystérieuses (la théorie des anticipations rationnelles, qui prétendait le justifier, n’a pas été validée scientifiquement). Un seul exemple, mais il est hautement significatif, suffit pour en finir avec ce dogme : les Etats-Unis viennent de connaître une période très longue de croissance non inflationniste nourrie par une création monétaire d’origine publique : la Fed ne cesse de créer de la monnaie en contrepartie de titres publics émis par le Trésor américain.
La peur de l’hyper-inflation est compréhensible : les témoignages de ceux qui l’ont vécue donnent à penser que c’est difficile à vivre. Les causes de ces déstabilisations monétaires sont en revanche plus discutées : concernant les deux plus connues en Europe (les assignats révolutionnaires et la république de Weimar) il n’est pas possible d’occulter des causes très spécifiques : la fuite des capitaux pendant la révolution française et le montant exorbitant des réparations demandées aux Allemands pour la seconde. La « planche à billets », dans les deux cas, est plus une conséquence qu’une cause initiale.
Par ailleurs est-il très sérieux de confondre ces périodes d’hyper-inflation et celles de hausse des prix limitée, comme celles qu’on a connues depuis la deuxième guerre mondiale en Occident ?
En tout état de cause, s’il est certainement nécessaire d’encadrer la création monétaire publique ou privée, il n’est en rien prouvé par l’histoire qu’elle est à l’origine de l’inflation.
En revanche l’histoire a montré que :
– l’abondance monétaire a permis des périodes de prospérité (XV ° siècle en Europe avec l’arrivée de l’or d’Amérique du Sud, forte croissance en 1820-1840 et en 1845-1880 avec l’or d’Amérique du Nord, les trente glorieuses et ses politiques monétaires expansionnistes …)
– la déflation générée par des politiques économiques dites de stabilité ou de rigueur conduit à des désordres sociaux vite inacceptables, qui peuvent conduire à des guerres ou à des dictatures.
Il serait temps que nos dirigeants oublient les dogmes et se rafraîchissent au contact des leçons de l’histoire.
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