Fiche N°1: La monnaie, qu’est-ce que c’est ?

La monnaie est au cœur de nos activités sociales, et nous intériorisons son emploi dès notre plus jeune âge. Mais avons-nous réfléchi à ce qu’elle est vraiment, et quels services elle nous rend ?

D’abord, elle nous permet d’avoir un prix et de pouvoir faire des comptes. Il est tout de même plus commode pour un fournisseur de faire savoir qu’une automobile de telle marque et tel modèle coûte 20.000 euros, plutôt que 150 moutons, ou 2.000 heures de ménage, ou autre. Par ailleurs, si je veux additionner mes dépenses de la journée, il me faut bien une unité de compte commune à tous les achats.

Ensuite, elle permet la séparation des échanges. Un salarié par exemple vend son travail à son employeur et compte bien obtenir en échange toutes sortes de biens et de services. Avec la monnaie, il peut avoir un employeur unique, recevoir en monnaie le produit de cette « vente », et ensuite acheter, quand il le veut et auprès de qui il veut, ce qu’il désire. Il peut aussi garder une partie de la monnaie pour le mois prochain. Sans monnaie, il faudrait qu’il trouve un partenaire pour chaque bien, qui lui échange ce bien contre un peu de travail, et un travail « à l’avance » est impossible. On voit qu’une économie moderne ne peut fonctionner sans monnaie.

Pour remplir ces fonctions indispensables de la monnaie, on est passé par différentes formes, dont certaines ont survécu jusqu’à aujourd’hui.

La première forme de monnaie est matérielle. Ce sont des « jetons », qui ont une valeur intrinsèque (par exemple s’ils sont faits d’or). Je vends donc quelque chose contre une même valeur en or, et j’achète autre chose en donnant aussi la contrepartie en or. On fait toujours du troc, mais une des marchandises est devenu un intermédiaire des échanges. On appelle une telle monnaie une monnaie marchandise. Historiquement ce genre de monnaie a été principalement de la monnaie de métaux précieux (or ou argent), qui ont une forte valeur intrinsèque, et sont faciles à diviser et former en « pièces ».

Mais à partir du moment où cette monnaie est acceptée par tous, et plus encore si une autorité légale lui donne « cours forcé » (personne ne peut la refuser en paiement), rien n’oblige à ce que la valeur intrinsèque des pièces soit identique à leur valeur faciale. Elle peut être inférieure. S’il est inscrit sur la pièce « 1 euro », je peux acheter, avec cette pièce, un objet de la valeur de 1 euro, même si la valeur intrinsèque de ma pièce (qui est proche de son coût de fabrication) est inférieure. C’est tout à fait le cas aujourd’hui. Essayez de vendre au kilo de métal 100 pièces de 1 euro, vous n’en retirerez certainement pas 100 euros.

Une telle monnaie est appelée monnaie fiduciaire (du latin fiducia, la confiance).

Et une fois que la confiance est installée, le métal n’est même plus nécessaire. Le papier est beaucoup plus commode à transporter et à stocker. Ainsi sont nés les « billets de banque » ainsi nommés parce qu’à l’époque où ils sont apparus ils étaient émis par les banques et non seulement par la Banque Centrale.

Et finalement, on a encore facilité les paiements, les stockages et les transferts, en enregistrant simplement tout cela sur les livres de comptes des banques. Je possède 1000 euros parce que cela est inscrit dans les livres de ma banque, qui s’est engagée auprès de moi à les conserver et à les transférer, en tout ou en partie, sur mon ordre, à une autre personne, qui les recevra peut-être aussi sur son compte dans sa banque. Il n’y aura donc eu aucun transfert matériel, pourtant il y a bien eu échange de monnaie. On appelle cette monnaie sans support matériel monnaie scripturale, et elle est enregistrée dans les banques dans des comptes à vue.

Ces différentes sortes de monnaie subsistent aujourd’hui. Nous avons donc recensé les pièces, les billets et la monnaie scripturale.

Les pièces, aussi appelées monnaie divisionnaire, sont en grand nombre mais de faible valeur, et ne pèsent pas lourd en euros (de l’ordre de 1% de toute la monnaie en circulation). Cette monnaie divisionnaire est frappée par le Trésor Public, c’est-à-dire l’Etat.

Les billets sont imprimés par la Banque Centrale. En France, c’est la BCE (Banque Centrale Européenne) qui en est responsable. Elle confie cette tâche aux banques centrales nationales, selon un prorata grossièrement défini en fonction des poids des économies à la création de l’Euro. Ces billets pèsent en valeur, en France, environ 15% de toute la monnaie en circulation.

La monnaie scripturale est devenue avec le temps la monnaie la plus employée, puisqu’elle représente en France environ 85% de toute la monnaie en circulation.

Remarquons que ces trois formes de monnaie sont équivalentes, et que vous pouvez échanger une forme contre l’autre dans une banque sans difficulté, au moins jusqu’à un certain montant. Au-delà, l’emploi de la monnaie scripturale est obligatoire.

Terminons ces notions de base par une remarque fondamentale. Nous avons parlé plusieurs fois dans cette fiche de « confiance ». En fait ce système monétaire n’existe que parce que tous les citoyens lui font confiance. Il n’y a pas si longtemps, il était encore écrit sur les billets en Francs : « Payable à la Banque de France ». C’est-à-dire que vous pouviez vous faire rembourser le billet correspondant. En quoi ? Historiquement, en or. Mais en pratique les monnaies ne sont plus convertibles en or depuis plusieurs dizaines d’années. En fait plus personne ne pense à cette éventualité de remboursement. On fait confiance aux garanties de l’Etat, sans bien même les connaître. Et, depuis qu’on se méfie un peu de l’Etat, on fait confiance aux banques centrales. On fait aussi confiance aux banques secondaires, qui « ne peuvent pas » faire faillite en emportant vos comptes à vue dans le néant.

Cette confiance collective montre que la monnaie est un fait social majeur, et qu’il n’est pas possible de l’enfermer, comme le font certains économistes, dans un rôle purement fonctionnel sans incidence sur le fonctionnement de l’économie.



9 commentaires pour “Fiche N°1: La monnaie, qu’est-ce que c’est ?”

  1. j aurais bien voulu en savoir un peu plus sur l origine et les fondements de la monnaie metallique. merci de me repondre le plus rapidement possible

  2. Monsieur, les premières pièces métalliques frappées l’auraient été en Lydie.Vous pouvez consulter plusieurs sites sur le sujet en appelant  » monnaie Lydie » sur
    Google. Dans l’Egyte Antique on sait que circulaient de façon semi-clandestine des fragments d’or non façonnés, à l’origine volés sur des chantiers.
    La monnaie métallique est un bien-symbole ayant les qualités de densité et d’inaltérabilité. La valeur symbolique des pièces ( valeur faciale ) a progressivement pris le pas sur la valeur matière.
    Aujourd’hui notre menue monnaie en pièces représente très peu par rapport aux billets et à la monnaie scripturale. Et leur coût de fabrication est
    le plus souvent supérieure à leur valeur faciale.

  3. @edito1
    Les pièces d’or étaient souvent frappés du sceaux d’une autorité politique. Mais on a aussi retrouvé des pièces d’or non frappées. Il devait alors pénible de vérifier si la pièce était « sonnante » et « trébuchante ». « Sonnante »= à l’oreille, elle tinte bien. Et le trébuchet est une balance. on vérifie son poids.

  4. C’est dommage, vous demandez avec pertinence qu’on se demande ce qu’est la monnaie plutôt que comment l’emploie-t-on, vous effleurez la solution en parlant de cours forcé, puis vous vous dispersez dans les diverses formes de compte de la monnaie, et en suivant le douteux schéma évolutionniste des libéraux.
    La monnaie scripturale date de Sumer, et sur les tablettes d’argiles figuraient déjà des « livres de comptes » (pas en T, mais quand même) en cunéiforme. Du temps des pièces d’or, même de Rome, le cours n’était pas métallique mais forcé. Certaines rançons de rois prisonniers de guerre furent payés par leur royaume ruiné en pièce de cuir, sans valeurs intrinsèque ou presque, donc. Du temps de l’étalon-or, lors des crises et en particulier des guerres, on suspendait la convertibilité en or pour pouvoir régler les problèmes. Certains pays comme la Nouvelle-Zélande ne s’appuient ni sur le cours légale ni sur le cours forcé, mais seulement sur le fait que la monnaie d’État est la seule monnaie pouvant s’acquitter des impôts auprès du Trésor. Si ça vous intéresse, je vous recommande Understanding Modern Money de L. Randall Wray sur ce sujet.
    Les banques ne crée pas la monnaie, contrairement au mythe libéral, seulement la quasi-monnaie de crédit. LE crédit n’est pas la monnaie, mais un droit à tirer sur la monnaie disponible dans la trésorerie de la banque émettrice de ce crédit. Si la banque fait faillite, bon courage pour retrouver tout le crédit promis en pièces et billets. Celui qui crée la monnaie, des financiers comme Warren Mosler s’en sont rendu compte en passant au peigne fin le système monétaire tel qu’il fonctionne comptablement, c’est le trésor public qui crée de la monnaie lorsqu’il dépense et crédite, en net, simplement le compte du receveur, et détruit la monnaie en débitant le compte du payeur au Trésor, en net.
    Pour le reste, je suis d’accord, les déficits sont indispensables, l’alternative de l’exportation est une illusion, etc. Et je suis ravi de voir un autre site combattre l’emprise idéologique du libéralisme.
    Bon courage et bonne chance.

  5. @Jean-Baptiste B
    Dans cette fiche nous avons été très succincts sur l’histoire de la monnaie, notre but étant plutôt d’expliquer comment la monnaie fonctionne aujourd’hui.
    Sur le reste,je ne vous suis pas très bien. Etes-vous d’accord ou non avec la description du fonctionnement de la monnaie par l’ensemble des fiches?

  6. « La monnaie est au cœur de nos activités sociales, et nous intériorisons son emploi dès notre plus jeune âge. Mais avons-nous réfléchi à ce qu’elle est vraiment, et quels services elle nous rend ?
    D’abord, elle nous permet d’avoir un prix et de pouvoir faire des comptes. » etc
    On ne peut considérer que la monnaie nous rend des services simplificateurs de l’échange et de la comptabilité que dans la mesure où on a accepté, « intégré » la civilisation de la carotte au sein de laquelle tout acte de contribution à l’autre ou à la société est conditionné par un retour, une exigence, un chantage.
    Avec toutes les souffrances induites qui sont au cÅ“ur et à la racine du débat politique, sans que personne ou presque n’en pointe la cause profonde.
    Il y a d’autres façons de fonctionner, que soit dit en passant nous avons détruites ; et le peu qu’il en reste est systématiquement anéanti.
    Cependant, ici ou là émergent des expériences spontanées, et qui fonctionnent, et démontrent que même dans notre monde dense et technique une autre voie serait possible. Je pense en particulier aux incredible edible ou à certaines expériences d’avant le franquisme. En Inde aussi, et certainement ailleurs.
    Ce que je voulais dire, c’est que si la monnaie nous est nécessaire dans notre contexte psychanalytique collectif, elle nous y enferme.
    Ce n’est pas une question mais une réponse sera appréciée.
    Joyeuses Pâques 😉

  7. @Ana
    je pense que comme beaucoup d’outils inventés par l’homme, il est neutre mais on peut en faire un bon ou un mauvais usage. Il n’empêche qu’on ne peut se passer de cet outil qu’est la monnaie et par conséquent il nous appartient d’établir des règles qui en garantissent un bon usage, au lieu de se lamenter sur l’instrument pervers qu’en font certains, ou de chercher à le bannir, ce qui est jeter le bébé avec l’eau du bain.

  8. Bonjour,
    J’apprécie beaucoup ces fiches. La description ainsi simplifiée (mais non simpliste) est accessible et déjà suffisamment compliquée pour le commun des mortels, je pense.
    Il reste des zones d’ombre pour moi.
    En particulier, je pense que même lorsqu’une banque pratique le crédit mutuel, elle participe à la création monétaire, puisque environ 85% de la somme déposée va être prêtée(15% va servir pour les retraits en billets) et va se retrouver dans une autre banque qui va en reprêter 85% etc (multiplicateur de crédit). Au bout du compte, lorsque les prêts sont remboursés, les sommes créées disparaissent. Mais il en est de même pour le crédit ex nihilo. Donc je ne vois pas vraiment la différence.

  9. @F.Thomas,
    Bonjour,
    Pour comprendre que l’épargne prêtée n’est pas de la création monétaire, il faut raisonner globalement. Dans ce cadre global la monnaie créée est la différence entre la monnaie épargnée (disparition de la monnaie) et le crédit (création de la monnaie). Par conséquent, dans votre schéma, il y a autant de crédit que de monnaie épargnée, donc il n’y a pas de création nette.

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