Fiche N°3 : Crédit mutuel et crédit créateur de monnaie

La Fiche N°2 a expliqué que les banques créaient de la monnaie dans leurs activités de crédit. Il n’est pas inutile d’insister sur un point qui en trouble plus d’un, c’est que tout crédit ne crée pas de monnaie. L’exemple le plus simple est celui dans lequel Pierre prête à Paul une somme en billets dont il se dessaisit, ne faisant ainsi que transférer son pouvoir d’achat sous forme de monnaie. Nous appelons ce type de crédit le « crédit mutuel ».

Lorsque je place de l’argent dans une caisse d’épargne, la monnaie passe de mon portefeuille dans les caisses de la caisse d’épargne, et celle-ci éventuellement la prête à une autre personne. Ici encore il s’agit de crédit mutuel en chaîne, car la monnaie est passé de l’un à l’autre sans création de monnaie nouvelle. La caisse d’épargne ne peut procéder autrement si elle n’a pas le statut bancaire. Elle ne peut qu’emprunter à l’un pour prêter à l’autre.

Que se passe-t-il alors pour une banque ? Celle-ci a aussi le pouvoir de faire du crédit mutuel. Si vous lui apportez de la monnaie, elle ne va pas la garder, elle va la prêter à un tiers. Mais elle peut aller plus loin, elle peut prêter sans avoir reçu préalablement la monnaie correspondante. Elle inscrit la somme prêtée sur le compte chez elle de l’emprunteur. Le crédit ainsi accordé est un « crédit créateur (de monnaie) » très différent du crédit mutuel, car il entraîne une création de monnaie ex nihilo.

Comment distingue-t-on un crédit mutuel d’un crédit créateur ? En vérité on ne peut les distinguer individuellement. Dans les comptes courants qui sont au passif de la banque, la monnaie scripturale qui y est inscrite est la même quelle que soit son origine. L’argent n’a pas d’odeur, dit-on. De même dans la liste des créances qui sont à l’actif de la banque, un crédit est un crédit. C’est un crédit à 5, 10 ou 20 ans, c’est un crédit à taux fixe ou variable, hypothécaire ou non, mais rien ne dit si la monnaie ainsi prêtée a été collectée auprès de prêteurs ou créée par la banque.

En réalité tout se passe comme si la banque avait deux activités séparées. D’une part elle collecte de l’épargne comme tout autre organisme de collecte d’épargne. D’autre part elle accorde des crédits comme tout autre organisme de crédit. La spécificité essentielle de la banque est qu’elle n’est pas tenue à un équilibre entre ce qui entre et ce qui sort. Si elle prête plus qu’elle n’a reçu, elle crée la monnaie pour ce faire. On ne peut donc savoir combien la banque a créé de monnaie qu’en comparant l’épargne collectée et les crédits accordés. C’est l’excédent de crédit sur l’épargne qui mesure la création monétaire.

Mesurer cette création monétaire est délicat au niveau de la banque individuelle, car lorsque la monnaie circule de banque à banque, elle transporte aussi une contrepartie. Lorsque mon employeur vire ma paie sur mon compte à ma banque, nous avons vu (fiche N°2) que ma banque acquiert simultanément une créance du même montant sur la banque de mon employeur. On a donc à ce moment des variations simultanée, et de même montant, des créances et des comptes courant qui ne correspondent ni à un crédit créateur, ni à un crédit mutuel. Economiquement, c’est un simple paiement avec mouvement de compte à compte.

Ce n’est donc qu’en agrégeant toutes les banques qu’on peut mesurer la création monétaire. En procédant ainsi, on élimine tous les mouvements de banque à banque. On peut dire alors schématiquement que toute variation des actifs des banques est financée soit par l’épargne, soit par création monétaire. On lit alors au passif le total des comptes courants, qui mesure la masse de monnaie scripturale créée depuis l’origine des temps monétaires. Sa variation pour une période donnée mesure la création monétaire pour la même période.

Alors, crédit mutuel ou crédit créateur ? Si celui qui accorde le crédit est un agent non financier ou un organisme financier non bancaire, pas d’hésitation, c’est un crédit mutuel. Si c’est une banque, comme nous venons de le voir, cela dépend.