L’économie de l’offre (suite)

 

Editorial : La politique de l’offre (suite).

Gabriel Galand (Septembre 2014)

 

L’exécutif français en remet une couche sur sa politique favorable aux entreprises. En effet Manuel Valls vient de former un gouvernement dont il s’est expressément assuré que tous ses membres approuveraient sans réserve la politique de soutien aux entreprises et de réduction des dépenses publiques. On croit comprendre que le Président approuve cette orientation.

Nous allons donc nous aussi enfoncer le clou.

Tout d’abord, nous ne contestons pas qu’il faille mobiliser des moyens pour muscler les entreprises. Car même si nous appelons de nos vÅ“ux une action énergique de l’Etat, celui-ci ne peut pas tout et il doit pouvoir compter sur le secteur privé pour assurer une croissance solide. Or notre appareil industriel est en triste état. Comme le montre la figure ci-dessous (Source La Tribune citant l’INSEE, Février 2014), le secteur a perdu depuis 2000 environ 800.000 emplois soit environ 20%.

Par ailleurs la part de l’industrie dans le PIB est tombée en dessous de 20% alors que l’Allemagne est encore à 30%. Les entreprises ont payé un lourd tribut. Bien qu’on n’ait pas dans les emplois perdus ci-dessus la part des salariés du privé, on sait que le nombre de défaillances d’entreprises et le nombre de salariés concernés n’ont cessé de monter d’année en année (200.000 emplois concernés en 2013, en hausse de 6%, Source Coface).

Il est donc justifié de chercher à restaurer l’outil industriel privé. Mais il y a plusieurs manières de le restaurer. La manière du gouvernement est de baisser les charges salariales pour reconstituer les marges, en supposant que celles-ci serviront à investir. Ces baisses de charges, qui se traduisent par des recettes de prélèvements obligatoires en moins, seront financées, a dit le gouvernement, par des économies, c’est-à-dire par une baisse des dépenses budgétaires. Nous avons déjà expliqué pourquoi cette méthode, en provoquant un choc négatif de demande en même temps que le choc positif d’offre, avait toutes chances d’échouer à améliorer l’emploi.

Il faudrait donc éviter de toucher à la demande des ménages, mais évidemment, cela suppose d’aider les entreprises par des dépenses supplémentaires ou des recettes en moins, donc dans tous les cas par creusement du déficit. Par conséquent, afin d’éviter un creusement trop important, il convient a minima d’optimiser le rendement des dites dépenses. Or la baisse des charges du gouvernement n’étant pas conditionnée, une partie importante de la marge induite sera distribuée en dividendes ou en dépenses à l’étranger, et ne produira pas d’emplois en France. Il aurait été beaucoup plus efficace de subventionner directement l’investissement ou la création d’emplois, en ciblant préférentiellement les industries domestiques.

En résumé, pour sortir de l’ornière il faut, comme nous l’avons déjà écrit, développer à la fois l’offre et la demande domestique.

Cette politique  » intelligente  » est dans la plupart de ses composantes contraire aux contraintes européennes. L’aide préférentielle à l’investissement en matériel ou en emplois n’est pas possible pour cause de subventions discriminatoires. Et le creusement, même modeste du déficit n’est pas admis.

C’est pourquoi le gouvernement se tourne sans le dire vers un plan qui vise à muscler les entreprises sur le marché européen et mondial, au détriment des ménages français. Ce qui n’est pas dit, c’est que le plan ne peut marcher que si les salaires, retraites et transferts sociaux baissent pour assurer cette compétitivité par les coûts. Il n’y a pas de politique de rigueur, martèle M. Valls à La Rochelle. Mais à qui fera-t-il croire qu’il ne devra pas obtenir la dite compétitivité sur les marchés européens et mondiaux par la réduction des avantages sociaux ?

Les opposants ont donc raison d’affirmer que ce plan ne fera pas baisser le chômage. Mais peu d’hommes politiques tirent les conséquences de cette dénonciation, conséquences qui devraient remettre en cause les contraintes européennes et mondiales. Comme nous l’avons exprimé dans  » Etat d’Urgence « , la situation appelle une stratégie musclée pour imposer à l’Europe une réforme de l’euro et une politique commerciale moins complaisante.

Il n’y a pas d’échappatoire. La réforme de l’Europe, dans un sens plus social et expansionniste, ou la fin de l’Etat Providence et le début de temps difficiles.