L’imbroglio argentin

La presse rappelle souvent depuis quelques temps que l’Argentine risque la faillite le 30 Juillet, mais ne donne pas la plupart du temps les raisons de cette menace.

Car il ne s’agit pas d’une vraie faillite. Essayons de résumer l’affaire :

En Janvier 2002, l’Argentine fait défaut sur sa dette. Elle offre alors aux créanciers des obligations en échange, avec fortes pertes (soit en capital, soit en intérêts). Dans les années qui suivirent, la plupart des créanciers (76%) acceptèrent ces pertes. Appelons-les « créanciers réguliers ». Le processus fut clos en Février 2005, et par la suite les nouvelles demandes furent refusées.

Les obligations non échangées furent rachetées à vil prix par des fonds spéculatifs qui attaquèrent aussitôt l’Argentine en demandant le remboursement des obligations à 100%. Appelons-les « créanciers vautours ». Leurs efforts n’aboutirent à rien jusqu’à ce qu’arrive le juge Thomas Griesa, juge new yorkais non conformiste qui se mis en tête d’obliger les pays emprunteurs à honorer leurs engagements d’origine. Après un long parcours judiciaire jusqu’à la Cour Suprême, il parvint à ses fins. Il décida que l’Argentine devrait payer les créanciers vautours selon leurs demandes en même temps qu’elle devait payer les prochains intérêts semestriels aux créanciers réguliers. Les banques qui accepteraient d’assurer l’un sans l’autre (paiement des intérêts sans remboursement des vautours) contreviendraient à ses décisions et encourraient donc les foudres de la justice des USA.

Ce faisant, il a créé une situation qui sidère tous les juristes. L’Argentine a lancé le règlement des intérêts aux créanciers réguliers, mais les banques gardent l’argent et ne créditent pas les bénéficiaires par peur de représailles américaines. Le comble de l’absurde est que certaines des obligations qui génèrent les créances sont libellées en devises autres que le dollar (peso argentin, euro, livre sterling, yen) et sont possédées par des citoyens non américains. Le juge Griesa provoque donc l’arrêt du transfert de fonds qui ne passent pas du tout par le système de paiement des Etats-Unis. Selon les estimations plus de la moitié des titres seraient dans ce cas.

L’Argentine clame qu’elle n’est pas en défaut de paiement puisque qu’elle a lancé tous les règlements. Mais les créanciers réguliers, s’ils ne sont pas payés à l’échéance, lanceront la procédure de défaut.

Consulté par des juristes sur le cas des obligations en pesos argentins, le juge Griesa a commencé par dire qu’elles n’étaient pas concernées, puis, devant l’évidence que la forte proportion de tels titres imposait une révision de sa décision, le juge a fait marche arrière, a indiqué qu’il ne modifiait pas sa décision et qu’il ferait connaître ses interprétations en temps utile.

En attendant le temps passe et les banques concernées, ainsi que les organismes compensateurs (Clearstream et Euroclear), bloquent les fonds …

Source : “ The Muddled Case of Argentine Bonds”, New York Times 24-07-2014,