Editorial: et si l’euro sombrait …

Avertissement : A notre connaissance personne n’a essayé jusqu’à maintenant d’imaginer comment passer de l’euro monnaie unique à l’euro monnaie commune dans un contexte conflictuel. Ce papier a donc pour objectif de lancer la réflexion sur ce sujet tabou et difficile. Bien entendu les éventuelles erreurs sont de la responsabilité entière de l’auteur.

 

Pourquoi l’euro peut sombrer

Chacun peut observer que la probabilité d’un naufrage de l’euro grandit. Non seulement les gouvernements européens peinent à se mettre d’accord sur l’aide à la Grèce, mais peu de responsables pourraient affirmer sérieusement que cette aide pourra tirer le pays d’affaire. Il s’agit surtout de gagner du temps. Et même si l’économie grecque est la plus malade des économies de la zone euro, d’autres sont également mal en point. Plusieurs organismes ont calculé(1) que pour stabiliser leur dette de nombreux pays de la zone euro devraient réaliser un niveau de solde budgétaire très difficile à atteindre, voire même impossible à réaliser : La Grèce (+12%), l’Irlande (+4,7%), le Portugal (+5%), l’Espagne (+2,6%), l’Italie (+1,9%). Même la France devrait avoir un solde meilleur que – 0,6% pour stabiliser sa dette.

Le cas de l’Espagne est particulièrement préoccupant, parce que la situation du secteur privé est si mauvaise qu’une partie de ses dettes devront sans doute être reprises par l’Etat. Notamment il y a 1,2 millions de logements invendus, avec de nombreuses créances douteuses, et les banques devront probablement être recapitalisées (le récent « stress test » a confirmé ce point) à hauteur de 80 à 100 milliards d’euros en 2011. Or le PIB et la dette de l’Espagne sont supérieurs à ceux des trois pays (Grèce, Irlande, Portugal) réunis. Si le problème espagnol se pose fin 2011 ou début 2012, en pleine campagne présidentielle française et à l’approche des élections allemandes, et compte tenu du fait que les 3 autres pays malades pourraient ne pas se porter beaucoup mieux, il n’est pas sûr qu’une solution de financement à la hauteur du problème global puisse être trouvée. Qu’un de ces pays fasse défaut et soit forcé de quitter l’euro, ou que l’Allemagne (ou un autre) jette l’éponge, ne veuille plus financer des plans de sauvetage toujours plus grands, et force à l’éclatement de l’euro pour sauvegarder un noyau plus « pur », un tel scénario n’est plus aujourd’hui irréaliste.

 

Pourquoi il faut réformer l’euro

L’euro, sous sa forme actuelle, est un échec parce que c’est une machine à fabriquer la divergence. Monnaie unique pour des pays culturellement et économiquement très différents, gouvernements budgétairement autonomes, pas de structure poussant à la coopération, tout pousse à la divergence. Notamment, le taux d’inflation étant différent dans chaque pays, une seule politique monétaire pour tous ces pays conduit à des bulles chez les uns (si les taux d’intérêt sont inférieurs à l’inflation) et à la récession chez les autres (si c’est l’inverse). Par ailleurs les pays à plus forte inflation deviennent progressivement moins compétitifs.

La situation de la Grèce et des autres pays en difficulté n’est que la conséquence de toutes ces incohérences. D’un autre côté, la politique d’euro fort, qui est favorable à l’Allemagne(2) , est catastrophique pour d’autres, et notamment pour la France.

Nous avons exposé plusieurs fois sur ce site comment une monnaie commune et non unique, associée à des monnaies nationales, fournirait un système monétaire avantageux pour tous les participants, et permettrait notamment les ajustements de parités nécessaires à des échanges équilibrés entre les partenaires. En particulier nous avons publié une fiche qui expose le fonctionnement d’une telle monnaie.

Il est donc nécessaire de réformer l’euro, de préférence à froid. Mais comme il est peu probable qu’il soit possible de faire accepter une telle réforme à une majorité de pays européens, il est à craindre que le problème ne se posera qu’à chaud, lors d’une grave crise de l’euro. Il convient donc de s’y préparer. En effet, si une telle crise arrivait, la France se trouverait devant un choix impossible. Soit elle sort de l’euro, seule ou avec d’autres, mais ceci comporte des risques importants que nous détaillerons plus bas, soit elle reste avec le groupe des pays « vertueux », avec un euro très probablement durablement fort, peut-être même plus fort qu’aujourd’hui, et une absence de régulation de la mondialisation. Ces deux fléaux étant ceux qui étouffent notre économie, la deuxième voie n’est guère plus plaisante que la première.

 

La sortie de l’euro

Certains (par exemple Jacques Sapir(3) ) préconisent une sortie pure et simple de l’euro, même en dehors de toute catastrophe monétaire. Les justifications sont qu’il est impossible de faire accepter une réforme à nos partenaires européens, et que, malgré les risques, un retour à la monnaie nationale est préférable à la situation actuelle. Ils espèrent que par la suite on puisse revenir à une monnaie commune, éventuellement d’abord avec les pays « exclus » de l’euro.

Les risques de cette option sont considérables (et admis pour l’essentiel par ses défenseurs) :

– Le franc, sera coté sur le marché des changes et sera attaqué à la baisse. Il faudra donc un contrôle des changes, mais on ne pourra empêcher toute spéculation.

– La forte dévaluation préconisée pour provoquer un choc de compétitivité (25%) induira fatalement une inflation importée, d’où la nécessité d’un contrôle des prix temporaire pour la limiter, sans pouvoir la contenir complètement. Il faudra donc de nouvelles dévaluations, d’où le risque d’une spirale de dévaluations et de hausses des prix.

– Le choc de compétitivité aura lieu mais on ne sait pas en combien de temps (ce problème de délai est la plupart du temps sous-estimé). Dans un premier temps la balance commerciale s’aggravera par enchérissement des biens importés et parce que les exportations ne peuvent être développées rapidement. Le déficit commercial est déjà en 2010 de 50 milliards d’euros, et se creuse en 2011 (61 milliards en Avril sur les 12 derniers mois). On peut en cas de forte dévaluation approcher les 100 milliards et mettre plusieurs années à redresser ce solde commercial significativement.

– Les barrières aux importations mettront également du temps à produire leurs effets car d’une part il faut négocier longuement pour éviter les rétorsions, d’autre part il faut pouvoir remplacer les importations qu’on veut bannir.

Or les déficits commerciaux doivent se payer en devises sonnantes et trébuchantes, par exemple en euros. Où les prendrons-nous, si nos partenaires ne sont pas coopératifs et si le franc est attaqué à la baisse, sinon en acceptant le taux de change du marché ?

– La dette extérieure en euro est renchérie d’autant pour le remboursement.

Pour toutes ces raisons, la sortie de l’euro semble dangereuse tant que la balance commerciale est déficitaire. C’est pourquoi nous avons préconisé(4) de faire un coup de force sur les barrières douanières plutôt que sur l’euro, pour rétablir d’abord notre balance commerciale.

Mais la crise probable de l’euro nous oblige à revoir notre copie. Comment sortir par le haut du choix impossible qui risque de s’offrir à nous ?

 

Aller vers la monnaie commune

La monnaie commune étant la solution finale souhaitable, l’idéal serait de pouvoir entreprendre une démarche unilatérale qui irait dans le sens de cette monnaie commune. Nous allons essayer de définir si une telle démarche est possible.

Supposons que si l’Euro explose (un pays indique qu’il veut sortir), la France propose immédiatement le mécanisme de monnaie commune et indique qu’elle compte aller dans ce sens. Rappelons qu’avec une monnaie commune les partenaires ont leur propre monnaie nationale et sont libres de leur politique monétaire. Les monnaies nationales ne sont pas convertibles sur les marchés extérieurs, seule la monnaie commune l’est. Par ailleurs, les soldes commerciaux doivent être nuls entre les partenaires, et la charge de cet ajustement revient aux pays excédentaire.

La France déposerait ce projet sur la table des pays européens et indiquerait qu’en attendant que les négociations aboutissent, elle prend immédiatement des dispositions pour aller dans le même sens sur le rééquilibrage des balances des paiements et sur une politique monétaire autonome. En conséquence elle réquisitionnerait la Banque de France, tout en restant dans l’Euro, ce qui permet de ne pas rompre les ponts. Par ailleurs, elle rétablirait les barrières douanières, sans percevoir de droits pour l’instant, mais en avertissant ses partenaires que, monnaie commune ou pas, elle entend rééquilibrer les échanges intra-UE.

Comme le fait observer Jacques Sapir, de tels coups de force, justifiés officiellement par la sauvegarde de nos intérêt vitaux (notion connue du droit communautaire), entraîneront inévitablement pressions et menaces de certains de nos partenaires pour revenir sur ces actions non-conforme aux traités, mais aucune exclusion ni sanction immédiate n’est possible car ce n’est pas prévu dans les textes. Il en résulte que c’est nous qui mettons une pression sur nos partenaires pour les forcer à négocier.

La première phase

Il est difficile de savoir combien de temps durerait cette phase, dans laquelle nous resterions dans l’euro tout en essayant de recouvrer une liberté d’action.

Le but est d’arriver à une balance commerciale équilibrée avec nos partenaires de l’UE et à un début de redressement économique. Si ceci pouvait être réalisé, le déficit global serait effacé. En effet, notre déficit avec l’Allemagne est supérieur à la moitié de notre déficit global. Si on y ajoute la Belgique, les Pays-Bas et l’Italie, on dépasse le déficit global. Il faut donc négocier avec ces partenaires sous la menace de les pénaliser de droits de douanes.

Parallèlement, ayant réquisitionné la Banque de France, on peut lui demander de financer un plan de développement (environ 100 milliards d’euros par an) orienté vers l’emploi, mais avec, dans cette phase, une priorité pour le rétablissement de la balance commerciale.

On peut espérer que cette double stratégie, accompagnée peut-être d’une baisse de l’euro causée par l’incertitude que nous aurions introduite, rétablirait rapidement notre balance commerciale. Les défenseurs du libre échange(5) prétendent que toute taxation aux frontières est illusoire, parce qu’en raison de l’éclatement des chaînes de production, la taxation des importations pénaliseraient nos exportations. Ce n’est pas faux, mais nous prétendons qu’il est possible de mettre en œuvre une taxation intelligente qui incite justement les multinationales à fabriquer en France, en renchérissant le travail effectué chez nos partenaires.

Dernière action demandée à la Banque de France, procéder à des achats de titres de dette publique française pour stabiliser les taux d’intérêt du marché. Car tant que nous restons avec l’euro comme monnaie, les titres de dette française sont à la merci des marchés. Si la Banque de France arrive à stabiliser les taux d’intérêt à un niveau bas, il est possible que le gouvernement puisse emprunter en euros sur les marchés pour financer son déficit. Ces achats ont aussi un autre avantage, s’ils sont réalisés en partie à l’étranger, ils contribueront à diminuer la dette publique française possédée par des non-résidents.

On pourra objecter à cette stratégie de première phase qu’elle est en fait un choc brutal avec la stratégie non-coopérative de l’Allemagne et de ses satellites du Benelux. Mais ce choc n’aurait-il pas eu lieu de toute façon ? Et ne vaut-il pas mieux affronter d’abord les prédateurs internes à l’Europe, pour lesquels nous avons des institutions permettant la discussion, et laisser pour plus tard l’affrontement avec ces autres prédateurs que sont la Chine et les tigres asiatiques ?

 

La deuxième phase c’est-à-dire la restauration du Franc

Lorsque les négociations sur le commerce ont commencé à produire leurs effets, et si celles sur une monnaie commune n’ont pas avancé, il est alors temps de faire monter les enchères. Le gouvernement prend la décision de restaurer le franc en gardant l’euro comme monnaie commune, et prépare techniquement, sans l’annoncer, cette restauration (il faut imprimer et acheminer des billets). Lorsque tout est prêt, il annonce aux français et à nos partenaires que nous sortons de l’euro monnaie unique mais continuons de l’utiliser comme monnaie commune. Après un court délai, à une date donnée, les comptes courants, les comptes sur livrets et toutes autres dettes et créances des résidents sont convertis en francs à parité (1 euro=1 franc), et à compter de ce jour, les transactions et contrats sur le territoire français se font en francs. Ce franc n’est pas convertible sur le marché des changes. Son taux de change est décidé par le gouvernement français tant que la France est seule à utiliser l’euro ainsi, puis par les partenaires du système de « monnaie commune ».

A partir de ce moment, la France retrouve la liberté de sa politique monétaire. Cela devrait lui permettre notamment des ajustements de parité, mais aussi plus de possiblités de modulation de sa politique du crédit (taux d’intérêts, bonifications, etc…)

Pour un contrat entre un partenaire français et un partenaire étranger la Banque de France fournit les euros contre des francs pour payer à l’étranger, et accepte les euros en recette de l’étranger en fournissant des francs en contrepartie. D’où la nécessité soit de disposer d’euros en réserve, soit d’avoir une balance des transactions excédentaire, soit encore d’emprunter des euros à d’autres banques centrales, si les relations peuvent encore permettre ce genre d’accord.

On peut supposer qu’à ce moment il y aura deux camps, qu’on peut, sans préjuger de leur composition, schématiser par les pays du « Sud », ceux qui trouveront avantageux de retrouver une compétitivité meilleure par une autonomie de leur monnaie nationale, et les pays du « Nord », ceux qui veulent conserver une monnaie unique à la mode « allemande ». Avec les pays du Sud, la France peut créer éventuellement une association de monnaie commune, qui peut être l’euro maintenu, ou une nouvelle monnaie commune, qu’on pourrait appeler par exemple « Eurosol »(6) . Mais il n’est pas certain qu’une telle solution soit avantageuse, car il est peu probable qu’un groupement des pays du Sud (vraisemblablement sans l’Allemagne) constitue un ensemble dont la balance commerciale soit facilement équilibrée. Or c’est une caractéristique essentielle pour qu’une monnaie commune fonctionne bien.

Le fonctionnement avec le franc comme monnaie nationale et l’euro comme monnaie commune pose des problèmes à la fois techniques et politiques. Car normalement la monnaie commune est une simple monnaie de réserve alors qu’ici c’est en même temps une monnaie étrangère à part entière et, qui plus est, il subsistera des comptes en euros en France, par exemple pour les non résidents.

Le premier point à trancher sera de savoir si on autorise librement des comptes en euros. A priori, ils seraient strictement réglementés et non autorisés pour les résidents. Un régime particulier serait envisageable pour les importateurs et exportateurs, sous contrôle de la réalité des besoins de financement des flux de marchandises (ce qui revient à un contrôle des changes sur l’euro).

Le deuxième point est de savoir où seraient ces comptes. La réponse dépendra des arrangements possibles avec la BCE, qui sera bien forcée de prévoir un fonctionnement possible. Soit elle accepte d’avoir une succursale en France en lieu et place de la Banque de France, ce pourrait être une filiale de la Banque de France autonome et appelée BCE-France ou BCEF. Soit elle ne l’accepte pas et les comptes en euros seront gérés dans une banque étrangère qu’elle désignera.

Dans les deux cas la Banque de France aura elle-même un compte en euro dans cette banque, ce qui lui permettra d’obtenir du refinancement en euro auprès de la BCE. Si celle-ci refuse un tel refinancement, il faut la menacer de sortir complètement de l’euro, il y aurait là un conflit qui serait tranché au niveau politique, et dont le résultat dépendrait de l’état d’esprit des négociateurs à ce moment là.

 

La dévaluation du Franc

Une fois lancé le mécanisme de monnaie commune, faut-il faire une forte dévaluation du franc par rapport à l’euro ? Nous ne le pensons pas. Contrairement à la stratégie « Sapir », nous pensons qu’il faut se limiter à un équilibrage intra européen, qui ne devrait pas nécessiter une dévaluation trop importante. Qui plus est, le principal ajustement devrait être celui de compenser les différences de coûts du travail entre la France et l’Allemagne. Si d’autres pays européens font un dumping par rapport à ces coûts, nous pensons qu’il faut plutôt avoir recours à la négociation, assortie de la menace de droits de douanes, pour régler le problème, plutôt que d’avoir recours à une plus forte dévaluation.

Car si on s’engageait dans cette voie, on devrait régler aussi les sous-évaluations des autres monnaies, telles le dollar, le yen ou d’autres monnaies asiatiques, et ceci nous mènerait à des dévaluations très fortes (du type de celle préconisée par J. Sapir) qui entraînent des risques que nous estimons trop graves pour être pris.

Toutefois, si, à la suite de la sortie de quelques membres, l’euro s’appréciait notablement au-dessus de sa valeur actuelle, il ne faudrait pas le suivre dans cette ascension, il faudrait donc dévaluer pour rester au même niveau par rapport aux autres monnaies. Mais dans ce cas nous n’aurions pas les inconvénients de la dévaluation vis-à-vis de l’ensemble du monde.

 

Et après ?

Il faut espérer qu’après cette mise en œuvre unilatérale et les négociations associées, l’idée de monnaie commune aura pu être comprise, puis acceptée par l’Allemagne, peut-être l’Angleterre, et par les pays du « Sud » ou GIPSI (Grèce, Italie, Portugal, Espagne, Irlande).

Si ce n’est pas le cas, il faudrait envisager une monnaie commune avec ceux qui l’acceptent, et mettre en œuvre une union sur des bases qui permettent d’envisager un équilibre commercial global. Elle devrait alors sans doute être à la fois une union monétaire et une union douanière.

 

Conclusion

Les défenseurs de l’euro avancent les avantages, selon eux, du concept de monnaie unique : Il protège contre les attaques des marchés et les dévaluations forcées ; il a permis de mettre l’inflation sous contrôle ; sa bonne tenue face aux autres monnaies a permis d’acquérir les matières premières à bon marché ; la disparition du risque de change à dynamisé le commerce intra zone ; l’euro est une des 4 ou 5 grandes monnaies mondiales.

Chacun des ces « avantages » est soit indépendant du système monétaire, soit conservé, voire amplifié par le mécanisme de monnaie commune.

Si par ailleurs il s’avère de plus en plus que l’euro unique n’est pas viable dans une Europe décentralisée, l’euro commun devient la seule solution permettant de garder les avantages sans subir les inconvénients, et au prix d’une complication tout à fait maîtrisable. Qui plus est, en cas de catastrophe monétaire dans la zone euro, ce serait à notre connaissance la seule solution viable en dehors du retour pur et simple aux monnaies nationales. Un grand pays tel que la France pourrait donc valablement mettre sa force politique au service de cette idée, pour démarrer un processus, qui, espérons-le, rassemblerait progressivement tous les pays du monde, pour un commerce équilibré et profitable, comme l’avaient rêvé M. Keynes, et à sa suite P. Davidson.

 


(1) Voir « Pourquoi les défauts sont inévitables » Jacques Sapir, 2011

(2) Voir notre article « l’Allemagne pourrait-elle être un peu moins allemande ? »

(3) Jacques Sapir est un partisan d’une monnaie commune, et considère comme nous qu’il faut une action unilatérale pour forcer à la négociation. Mais sauf méconnaissance de notre part, l’action unilatérale qu’il préconise et décrit en détail est la sortie complète de l’euro.

(4) Voir sur ce site « Remettre en cause le libre-échange »

(5) Lire à ce sujet l’interview de Jacques Lamy, directeur de l’OMC, dans Le Monde du 1er Juillet 2011.

(6) Nom proposé par Jacques Sapir



38 commentaires pour “Editorial: et si l’euro sombrait …”

  1. Merci Gabriel d’avoir osé traiter « ce sujet tabou et difficile ».
    Deux questions ou remarques :
    – Pourquoi écrire que « La dette extérieure en euro est renchérie d’autant pour le remboursement. » ? Quand la France est passée à l’euro sa dette extérieure est aussi passée en euros, que je sache ? Quand elle passerait au franc pourquoi n’en serait-il pas de même ? A une date donnée, la France traduirait en francs toutes ses dettes en euros. Nos créanciers n’auraient alors aucun intérêt à attaquer le franc.
    – Aujourd’hui l’euro monnaie unique ne signifie-t-il pas que l’euro est la monnaie nationale de chacune des nations de la zone euro. Chaque état répond de ses dettes et le fait en euros. Demain si un état revient à une autre monnaie nationale ( même au taux de change initial de 1 pour 1 ) , cela ne signifiera-t-il pas que désormais cet état répondra de ses dettes (présentes en futures ) dans sa monnaie nationale. Dans cette perspective la notion d’euro monnaie commune ne signifie-t-elle pas que ce pays adopte cette monnaie comme « monnaie de compte » mais absolument pas comme « monnaie d’échange » ? La notion de monnaie de compte existe déjà, me semble-t-il , pour les DTS du FMI ; le bancor n’était prévu lui aussi que comme monnaie de compte ; historiquement, je crois me souvenir qu’il y a eu aussi en France des unitès monétaires de compte …qui n’étaient pas de la monnaie. Mais les « vraies monnaies pour paiement » ne devraient sans doute être que les monnaies nationales qui engagent chacune un état. En bref, il me semble que la « monnaie commune » fixe contractuellement ( donc de manière toujours négociable) les taux de change entre les monnaies nationales qui l’adoptent … Suis-je dans l’erreur ?
    Mon point de vue préserverait bien des avantages de l’euro unique tout en redonnant la souveraineté monétaire nécessaire à des états coopérants. Merci.

  2. @Jean
    – Sur la conversion des dettes des non résidents
    Je comprends ton point de vue (qui est aussi celui de AJ Holbecq), je dis simplement que c’est une interprétation unilatérale des termes du contrat passé entre l’Etat emprunteur et l’investisseur qui a prêté. La comparaison avec le passage du franc à l’euro n’est pas à mon avis pertinent car le franc y disparaissait, ce qui n’est pas le cas qui nous occupe ici. C’est plutôt comme si tu passais unilatéralement ton emprunt des euros aux dollars.
    Cela serait donc considéré à coup sûr en droit international comme une rupture de contrat. Il vaut mieux dans notre cas éviter d’affronter le monde entier. Nous aurons assez à faire avec nos partenaires européens.
    – Sur la monnaie de compte : à mon point de vue, la monnaie commune n’est purement unité de compte que si le système est mondial. Sinon il faut bien échanger cette monnaie avec d’autres monnaies hors zone.

  3. Bonjour
    Excellent article . Je partage sur facebook
    Bien sur je suis d’accord avec moi-même et avec la remarque de Jean…. comme le sont d’ailleurs Charles Gave et Jacques Nikonoff (je suis certain qu’il doit y en avoir d’autres 😉 )
    Je ne comprends pas ta dernière phrase. L’euro commun serait bien « unité de compte » (devise internationale échangeable et cotée sur les marchés) et les monnaies nationales seraient dans cette hypothèse non convertibles en d’autres monnaie , sauf dans cet « euro commun » et à des taux « politiquement fixés »
    A+
    AJ

  4. Si l’€ éclate et la France choisit la monnaie commun, il y a aussi d’autres réformes qui sont à négocier avec nos partenaires: Il faudra limiter le pouvoir (de nuisance) des marchés financiers. Interdire la vente à découverte, limiter l’effet de levier pour la spéculation, introduire la TTF, etc. En général changer le paradigme économique, car c’est celà qui nous a apporté les crises: il faut revenir à un Keynésianisme amélioré.

  5. @ André-Jacques
    Une unité de compte pure, comme l’étaient le bancor de Keynes ou le IMCU de Davidson, ne figure que dans les livres de compensation de la « banque centrale », elle n’est plus une monnaie de transaction et n’est plus échangée nulle part, sauf entre banques centrales. A partir du moment où il faut l’échanger entre agents économiques, ce n’est plus seulement une unité de compte, c’est aussi une monnaie de transaction. Affaire de définition …
    @ Ernest
    Oui bien sûr, toutes ces réformes restent des objectifs souhaitables, mais pour moi le verrou actuel c’est bien la politique monétaire et le problème de l’euro.

  6. @Gabriel
    Oui, mais les échanges économiques en devises étrangères passent toujours par les compensations entre banques centrales ou me trompe-je ?
    L’ECU n’était-il pas (comme le signale Wikipedia  » été utilisé comme unité de compte pour les institutions européennes et les banques centrales des pays membres, ainsi que comme monnaie de placement et d’endettement sur les marchés financiers. »
    Pour moi l’euro commun doit rester uniquement une devise internationale et une monnaie d’échange entre entreprises (via les banques et les banques centrales) de la zone monétaire et ne doit pas pouvoir être utilisée au sein d’un pays (disons la France) pour les transactions. Donc pas de monnaie secondaire libellée en cette monnaie commune, et évidemment pas de « billets de banque » en celle ci.

  7. PS: je sais que je pinaille: nous sommes d’accord sur le fond…

  8. @André-Jacques
    C’est une question de définition, c’est tout. Je pense qu’il y a une différence essentielle entre une monnaie qui n’est que monnaie centrale, et qui sert en fait à la compensation entre banques, et une monnaie qui est échangée sur les marchés contre des monnaies existantes, telles le dollar et le yen. La spéculation n’est possible sur cette monnaie que dans le 2ème cas. Or dans notre schéma, nous sommes bien dans ce 2ème cas. Même si l’euro commun n’est pas monnaie de transaction dans la zone « commune », il l’est de fait hors de cette zone.

  9. @Gabriel
    C’est bien ainsi que je l’entendais je pense.
    J’essaye de m’expliquer…
    Cette monnaie commune serait:
    a) Une monnaie centrale pour la zone de monnaie commune (compensation entre Banques Centrales Nationales)
    b) Une monnaie (devise) négociable contre d’autres devises sur les marchés des changes. Cette monnaie commune serait donc représentative de la politique monétaire de cette Super banque Centrale de la monnaie commune » (gestion des taux d’intérêts) mais aussi de sa solidité fonction elle même de la solidité des économies des pays membres de cette monnaie commune.
    J’avais un jour discuté avec jacques Sapir sur la nécessité d’une Banque Centrale dans cette hypothèse de monnaie commune: il la croyait nécessaire, contrairement à ce que pensait l’ami Pinsolle
    Ou alors je n’aurais pas compris ce que tu voulais dire ?

  10. @ André-Jacques
    Oui, d’accord tout à fait.

  11. Bonjour et merci pour cet article !
    Vous écrivez : « Le franc, sera coté sur le marché des changes et sera attaqué à la baisse »
    Se peut-il qu’annonçant notre sortie de l’euro, nous provoquions une baisse suffisante du cours de celui-ci qui in fine nous permettra de ne pas dévaluer ? Si la France annonce 6 mois à l’avance sa sortie de l’euro, avant les PIIGS ou GIPSI, on pourrait envisager que le cours de l’euro baisse à 1 euro = 1 dollar. La parité parfaite pour nous.
    Vous écrivez : « La comparaison avec le passage du franc à l’euro n’est pas à mon avis pertinent car le franc y disparaissait, ce qui n’est pas le cas qui nous occupe ici. »
    En annonçant sa sortie de l’euro il se pourrait bient que dans les jours et moi qui suivent la zone euro éclate, que chaque pays retourne à sa monnaie nationale et dans ce cas les emprunteurs devront accepter la conversion de leur créance en franc, nouvelle monnaie nationale remplaçant le défunt euro.

  12. @trubli
    En cas de sortie de l’euro, le franc sera attaqué de toute façon, tant que nous serons déficitaires.
    Par ailleurs j’imagine mal que l’Allemagne et ses voisins renoncent à l’euro.
    Enfin, je pense que la monnaie commune est un bon objectif, bénéfique à tout le monde, alors que la disparition de l’euro et le retour aux monnaies nationales en est un mauvais.

  13. « la monnaie commune est un bon objectif »
    je suis d’accord. En plus on pourrait très bien partager une monnaie commune avec La Russie et d’autres pays.
    « tant que nous serons déficitaires »
    Autant dire que nous sommes pieds et poings liés pour de très longues années encore. Rétablir des barrières douanières demande beaucoup de temps à cause des négociations préalables pour éviter les mesures de rétorsion.
    Pendant qu’on négocie des tarifs douaniers avec les voisins européens,on pourrait déjà par référendum proposer de remettre la Constitution Française au-dessus des traités européens : fin de l’indépendance de la banque centrale, etc.
    On pourrait par un deuxième référendum faire approuver par les citoyens la France quittera l’Union Européenne (et donc l’Euro) si nous n’obtenons pas ce que nous voulons.

  14. @trubli
    En attendant d’être excédentaires, j’ai prévu dans l’article de réquisitionner la Banque de France. Je pense que c’est un moyen de pression suffisant, plus facile à faire endosser par une majorité en France, et aussi plus crédible vis à vis de l’étranger, qu’une sortie de l’Union et/ou de l’euro, dangereuse donc moins crédible. Mais c’est à discuter …

  15. En fait je propose cela suite à la lecture du livre de Nikonoff « sortons de l’euro »
    Nikonoff insiste sur un point très important. Le traité de Lisbonne est d’inspiration néolibérale. On peut donc pratiquer la désobéissance, invoquer le compromis de Luxembourg mais cela ne pourrait durer qu’un temps. Si on souhaite que l’état puisse intervenir plus souvent (création monétaire, politique industrielle, protectionnisme, mesures contracyclique) il faudra bien remettre en cause certains articles du traité. Un référendum est le moyen qui offre le plus de chance de pouvoir modifier la Constitution.

  16. @trubli
    Nous sommes d’accord sur la désobéissance. Des référendums, d’accord aussi, pour légitimer l’action, mais le point important, c’est: quoi faire ?

  17. @Gabriel
    « eurosol » est déjà une « marque » utilisée par de multiples entreprises (jette un coup d’oeil sur un moteur) mais c’est vrai pour tout ce qu’on pourrait inventer
    Je propose « eurocom » pour euro commun ou tout simplement reprendre « ecu » ?
    Je me pose une autre question. Comment serait déterminée la part de chaque monnaie dans cet « eurosol ». En fonction de la population?
    Ou de :
    Les BCN devraient se procurer les eurosols auprès de la Banque Centrale Eurosol en échangeant, à la parité déterminée, des monnaies nationales: est ce que cela pourrait être les quantités relatives de monnaies nationales de la BCEurosol en caisse qui détermineraient les parts relatives?
    As-tu une autre idée?
    Je pense que ce serait intéressant de développer avec des exemples

  18. @ André-Jacques
    Je ne comprends pas la question. De quelle « part » parles-tu ? En fonctionnement interne, la monnaie commune est une unité de compte, sa quantité n’a pas d’importance, et les quantités de monnaies nationales sont déterminées par la politique monétaire de chacun.

  19. @Gabriel
    Oui pour les quantités de monnaies nationales qui sont bien sur déterminés par chaque Etat
    J’ai un doute (peut être me trompe-je) sur le reste.
    Es tu d’accord que :
    1 – La monnaie commune est bien négociable sur les marchés (c’est l’offre/demande qui fait la valeur de cette monnaie/unité de compte par rapport aux autres devises)
    2 – En conséquence me semble t-il, et bien que la demande de devises étrangères échangeables sur les marchés soit fonction de la demande ou de l’offre de chaque BCN , ne faut-il pas un « stock » d’eurosols pour que la BCEurosol puisse intervenir? Et dans ce cas il faut un apport initail de chaque pays, non ?
    En faisant quelques recherches sur Wikipedia (monnaie commune) j’ai vu que tu y étais cité mais aussi que Riboud proposait le nom « d’eurostable »
    Il n’empêche que cette monnaie commune n’a encore été essayée nulle part … il y a tout à inventer 😉

  20. @André-Jacques
    La monnaie commune mondiale est très bien documentée, notamment chez P. Davidson (1994), ce qui est à préciser, ce sont toutes les modalités techniques de l’interface avec le monde extérieur à la zone commune, si celle-ci n’est pas mondiale.
    A mon point de vue, les BN n’ont aucunement à se préoccuper de la quantité de monnaie commune. Elles en demandent à la BCE lorsu’elles en ont besoin, et celle-ci en fabrique autant que nécessaire (par un mécanisme quelconque, pourquoi pas comme le refinancement classique?). C’est une banque centrale donc pas besoin de préfinancement! Elle fournit aussi les acheteurs hors zone contre des devises étrangères (en générant les eurosols à chaque fois). C’est dans l’autre sens que ça peut coincer, si elle ne peut plus fournir de devises si tous les eurosols reviennent. D’où l’absolue nécessité que la zone soit excédentaire. Hors cette restriction, je ne vois pas de problème.

  21. @Gabriel
    D’accord.
    Il y a un gros travail d’explication du système à faire (imagine les questions « pratiques » que vont poser les politiques)… c’est un boulot intéressant: quasiment il faudrait écrire un projet de « traité d’accord entre pays de la zone monétaire commune »
    Un détail: si la zone monnaie commune n’est pas excédentaire, elle pourrait si nécessaire emprunter les devises qui lui manquent.

  22. @ André-Jacques
    Pas plus compliqué que le fonctionnement de la BCE. Emprunter, oui, mais tu te remets à la merci des marchés.

  23. @Gabriel
    Oui évidemment c’est l’équilibre des balances des transactions courantes qu’il faut rechercher… mais les soldes ne sont jamais totalement équilibrés et il peut y avoir besoin de devises pour une période donnée; je ne parle bien sur pas d’emprunts sur les marchés pour compenser des déficits budgétaires comme actuellement.

  24. @André-Jacques
    Oui, d’accord. En général, pour les besoins ponctuels, les « grandes » banques centrales n’empruntent pas sur les marchés, elles ont des accords de swaps temporaires entre elles.

  25. Article remarquable de clarté et de clairvoyance.
    Je suis par contre un peu étonné de votre vision très pessimiste des conséquences d’éventuelles dévaluations.
    L’histoire des dévaluations du franc au XXieme siècle nous montre soit de franches réussites (avec des résultats rapides) soit des semis-échecs… mais jamais de vraies catastrophes ! Cela vaut la peine d’être médité :
    http://www.minefi.gouv.fr/fonds_documentaire/euro2002/zoom3/conference/devaluations.htm

  26. @ JB Boisseau
    Votre document en référence est très intéressant. Cependant, je ne sais pas si tous ces exemples historiques valent pour l’avenir. Ce qui m’inquiète ce n’est pas tant nos dévaluations volontaires que la chute du franc sur les marchés extérieurs. En effet, d’une part la France est dépendante comme jamais de ses importations (30% du PIB en 2008), avec un déficit extérieur qui va vers les 100 milliards d’euros, et le contexte de marché sera très défavorable. Si nous faisons face à l’hostilité générale, le franc chutera beaucoup et l’exemple historique qui s’impose est plutôt celui de la république de Weimar et l’hyper inflation qui a suivi. D’où mon souci d’améliorer d’abord le rapport de force en notre faveur.

  27. Bonjour, je n’ai pas encore tout étudié (j’y reviendrai) de l’article et des commentaires dont il me semble qu’ils sont tous intéressants, mais je voudrais rebondir sur le dernier qui m’a interpelé : la république de Weimar serait à l’origine de l’hyper-inflation. En réalité ce n’est qu’à cause des remboursements excessifs des dommages de guerre d’après1918 dus par l’Allemagne qui ont gonflé la masse monétaire en circulation (par le retour de cette monnaie par les alliés) que l’hyper-inflation à causé une perte exponentielle de la valeur du Mark. Ce n’est qu’à partir de l’acceptation du gel et de l’abandon de ces remboursements que l’Economie allemande a pu se redresser dans les années 1932. C’est purement technique. Malheureusement c’est sur ce souvenir que l’Allemagne et les financiers libéraux ont fondé la rigueur, malgré les recommandations de Keynes. Rigueur comptable qui est la cause essentielle de la prolongation du chômage..

  28. @Peretz,
    Je n’ai pas dit que la république de Weimar était responsable. Il y a des tas de théories sur l’hyperinflation de 1922-23, la mienne est que c’est la chute rapide du cours du Mark qui a enclenché l’inflation. Le gouvernement avait le choix entre valider la hausse des prix (avec l’inflation) en faisant suivre les salaires, ou installer la récession par restrictions monétaires. Il a choisi la 1ère solution. Il aurait mieux fait d’instaurer un contrôle des changes … En tout cas son supposé laxisme n’est effectivement qu’un mythe pour effrayer les populations …
    J’ai évoqué cet exemple pour montrer qu’une chute rapide de la monnaie peut entraîner une forte inflation, si l’économie est très ouverte et si le gouvernement, par politique sociale, refuse de faire payer aux classes populaires le coût de l’inflation importée.

  29. Il est délicat de se référer au passé, mais, sauf erreur, en 1948 le francs français a été dévalué au total à 80%! Il y eu d’autres dévaluations durant la IVème République et un peu au début de la Vème. Je crois que l’Italie dévalua encore plus souvent la lire italienne. Les dévaluations ne sont, certes, pas spécialement des modèles de « gestion ». Cependant il y a là des exemples concrets, non seulement pour « se sortir de devant », mais de stimulations de la « machine » économique, pourvu qu’on en abuse pas. Pourquoi se séparer de « médications » plutôt efficaces, qui, pour l’essentiel, n’ont jamais eu d’effets secondaires vraiment graves ?

  30. @Renaud
    Je pense qu’il faut utiliser les leçons du passé, mais les adapter au monde d’aujourd’hui. Je peux me tromper, mais je pense (je me répète) que le degré d’ouverture de l’économie française d’aujourd’hui et la mondialisation sans précédent des processus de production changent la donne. Dans tous les exemples donnés, l’économie française était forte par elle même,aujourd’hui,en tout cas pour l’instant, elle est faible (balance extérieure structurellement déficitaire, industrie en voie de disparition, etc…). A moins de pouvoir dresser une barrière étanche, ce qui n’est pas évident, il faut se muscler avant de songer à une compétitivité monétaire.

  31. -« La forte dévaluation préconisée pour provoquer un choc de compétitivité (25%) induira fatalement une inflation importée, d’où la nécessité d’un contrôle des prix temporaire pour la limiter, sans pouvoir la contenir complètement. Il faudra donc de nouvelles dévaluations, d’où le risque d’une spirale de dévaluations et de hausses des prix »
    -Je crois que c’est la première fois que je lis l’expression « inflation importée ». En effet le mot inflation de toute façon fait peur à tort, car c’est l’épouvantail type que les banques et le patronat mettent en avant, en pensant aux époques où la France a dû dévaluer. Pour dire en général que c’est mauvais pour les populations. Ce qui est faux, car c’est d’abord mauvais pour les banques.
    Dans le cas cité, ce serait donc la première fois qu’en France une dévaluation serait la cause et non l’effet de l’inflation. C’est important, car on ne peut savoir à quel niveau cette inflation se situerait. « une spirale de dévaluations et de hausses des prix » dit Gabriel Galand. Il est probable que le retard à l’introduction de cette possible inflation devrait éviter cette spirale. Je suis donc d’accord avec ce que dit J.B Boisseau.
    – (ce problème de délai est la plupart du temps sous-estimé)
    excellente proposition qu’il faut généraliser : car c’est le temps qui fait tout en Economie, et le maîtriser est impossible. Donc tous les scénarios sont possibles. Aucun n’est certain. Mais je préfère celui de J.Sapir car sa stratégie, qui consiste à reprendre fortement les manettes en main, est très dynamique. Il me semble que cela correspondrait davantage à des situations extrêmes. C’est le laxisme des politiques qui a fait durer la récession de 1929 à 1939, contrairement à ce que Keynes préconisait. Comme le préconise maintenant Ernest Hamsag.

  32. @ Peretz
    J’ai pour habitude de demander aux commentateurs d’être brefs. Cependant j’ai publié votre commentaire en l’état (bien qu’il soit long et peu clair pour moi) car il me semble que votre position illustre bien le problème essentiel de stratégie.
    D’abord personne ne nie, pas même Sapir, qu’en cas de forte dévaluation il y aura forte hausse des prix, tout simplement parce que 30% du PIB est importé. Les conséquences de cette inflation dépendront de beaucoup de facteurs, mais les risques existent, même Sapir le dit.
    A partir de là, c’est un problème politique : faut-il privilégier la reprise complète des rênes par la nation, position j’imagine des « nationalistes », et risquer de faire son deuil d’une Europe coopérative, ou faut-il chercher à imposer une autre europe vraiment coopérative par des actions unilatérales qui mènent à la négociation?
    Il semble que vous soyez sur la première ligne et moi sur la deuxième.

  33. @Gabriel Galand. Exact. Je pense que dans un premier temps seul un repli sur soi est indispensable, pour faire face à la tempête, quitte à reprendre les coopérations entre les pays européens, mais dans un deuxième temps, sur d’autres bases où les politiques reprendront la main comme vous le dites, mais sans subir la main-mise des néolibéraux sur l’Economie.

  34. @ Peretz
    Les choses semblent donc claires entre nous et pour nos lecteurs. Restons en là. Merci pour vos commentaires.

  35. Le taux d’ouverture est en effet une donnée importante dans la stratégie. Mais plus que le taux brut, ce sont les réserves des capacités de production (les usines qui tournent au ralenti pour faire simple) qui me semblent importantes. L’appareil productif français saura-t-il profiter suffisamment vite du choc de compétitivité pour freiner l’inflation ? C’est loin d’être impossible : jusqu’à 2004 la balance commerciale était équilibrée… et on voit que récemment le déficit se creuse notamment sur des secteurs qui peuvent encore très bien tirer partie de la situation, comme l’automobile : http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=NATnon08459

  36. @JP Boisseau
    Il n’y a pas d’usines qui tournent au ralenti en France, les capacités sont à l’étranger, en Europe de l’Est ou en Asie. Avant que les indstriels se convainquent qu’il faut changer leur fusil d’épaule, qu’ils planifient des investissements et que ceux-ci soient opérationnels, il faut 5 à 10 ans. Pendant ce temps, tout ce qui vient de l’étranger coûte IMMEDIATEMENT d’autant plus cher que la dévaluation est forte, et le déficit extérieur se creuse d’autant.
    P.S. Le lien vers les stats ne marche pas.

  37. Les données de l’INSEE montre pourtant que nous sommes à un plus bas historique du taux d’utilisation des capacités de production : http://www.insee.fr/fr/ffc/figure/NATTEF08111.xls
    Entendons-nous bien, nous sommes d’accord sur l’essentiel, mais je ne pense pas que le plongeon du déficit redouté soit si important… les résultats ne seront pas aussi miraculeusement rapides que ceux du plan Rueff, mais de mon point de vue plus rapide que votre anticipation. Rassurez-vous, je n’insiste pas : l’essentiel est que les lecteurs aient les ingrédients du débat pour se faire une idée (pour le lien, c’est étrange : j’ai recliqué dessus, il marche bien).

  38. @JB Boisseau
    J’aimerais pouvoir vous suivre. Mais ces statistiques (le nouveau lien a marché) ne me convainquent pas. D’abord, vous savez qu’il s’agit des déclarations des entreprises, elles reflètent donc la psychologie des entrepreneurs autant que la marge réelle. D’autre part même s’il peut y avoir une remontée, étant donné que la capacité totale baisse continument par fuite à l’étranger, il n’est pas sûr du tout que la production effective puisse remonter beaucoup par rapport à la situation d’il y a quelques années. Bref je reste convaincu que le risque d’un déficit durable est important. Malheureusement je ne connais pas d’étude sérieuse sur ce sujet. Donc comme vos dîtes chacun appréciera.

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