La structure des banques en question

 

Nota: Cet article est complété par un article ultérieur sur le système du 100% Monnaie

 

 

La situation aujourd’hui

Il est absolument hallucinant de voir le spectacle de la folie retrouvée des banques, alors qu’il y a un an elles se ruaient sur les aides des Etats et des Banques Centrales pour ne pas sombrer dans des faillites à la Lehman Brothers. Le FMI a calculé(1) que les Etats du G20 avaient consacré 17,6% de leur PIB au soutien du système bancaire, contre 3% au soutien budgétaire de l’économie. Un tel coût pour un tel résultat pose vraiment problème. Comment peut-on accepter de payer de telles sommes sans exiger en retour de réelles garanties à la fois sur une meilleure gouvernance et sur les précautions à prendre pour qu’une telle catastrophe ne se reproduise pas ?

Les gouvernements temporisent parce qu’ils souhaitent en priorité que les banques retrouvent une bonne santé pour pouvoir purger les mauvaises créances encore présentes et, espèrent-ils, qu’elles contribuent enfin au développement de l’économie.(2)

Mais il y a urgence car de plus en plus de faits semblent indiquer que les profits importants des banques proviennent beaucoup plus des activités à haut risque que des prêts à l’économie qui sont souhaitables pour sortir du marasme(3) . La hausse du prix des actifs depuis un an, nourrie par l’injection de masses considérables de liquidités, n’y est pas étrangère. Pire encore, le sauvetage massif des banques organisé par les Etats incite celles-ci à recommencer. Si elles gagnent les paris risqués qu’elles prennent elles en tirent profit, si elles perdent elles sont persuadées que ce sont les contribuables qui paieront la facture. Ceci signifierait alors que la prochaine crise pourrait être à l’horizon, quand cette nouvelle bulle crèvera. Elle crèvera lorsque les banques centrales et les gouvernements mettront la pédale douce sur les conditions de crédit aux établissements financiers, et que les opérateurs en prendront conscience. Et peut-être faudra-t-il de nouveau sauver les banques pour sauver les fonds des ménages et des entreprises qui y sont gérés.

Les G20 successifs ont tenté de proposer des mesures essentiellement règlementaires, sans toucher à la structure. On a l’impression que ceci est peine perdue. Les banques ont tôt fait de tourner les règlements successifs, le plus souvent avant même qu’ils entrent en application. Elles y sont aidées par la subsistance de paradis fiscaux qui, quoi qu’en disent certains dirigeants, sont toujours bien vivants.

Cette impossibilité à réglementer rigoureusement les banques fait que de nombreuses voix s’élèvent pour refaire un Glass-Steagall Act, c’est-à-dire une séparation des banques de détail et des banques d’affaire, en repensant une telle mesure en fonction de l’état actuel du monde économique. Nous voudrions explorer dans cet article dans quelle mesure cela est souhaitable et possible, en sauvegardant d’une part les intérêts des déposants et des contribuables, mais aussi d’autre part un financement suffisant de l’économie.

 

Faut-il revoir la structure ?

Notre réponse est oui sans ambiguïté. Il n’est pas tolérable pour le citoyen que des joueurs invétérés soient assurés d’être sauvés en cas de ruine, qui plus est par la puissance publique et le contribuable, la justification de ce sauvetage étant que par ailleurs les mêmes joueurs ont en charge la gestion des comptes à vue et des comptes d’épargne des ménages et des entreprises, et ont aussi en charge le financement de l’économie par le crédit à la consommation et à l’investissement.

Il faut donc trouver un moyen de séparer les activités de casino des activités socialement utiles.

 

Faut-il ressusciter le Glass-Steagall Act ?

Rappelons que cette loi a séparé aux USA en 1933 d’une part les banques de dépôt et de prêt, de l’autre les banques d’investissement seules habilitées à faire des opérations sur titres et valeurs mobilières. Elle n’a été abrogée qu’en 1999 mais avait été largement contournée auparavant depuis le milieu des années 1970.

Car le développement des marchés financiers, et surtout leur intégration mondiale à travers les réseaux électroniques, ont rendu la frontière entre les deux catégories d’établissement assez perméable. En effet, à partir du moment où une banque dite « de dépôts » peut prêter de l’argent, elle peut le prêter à toutes sortes d’opérateurs, y compris des opérateurs financiers. En fait ce sont les activités propres de transactions financières des banques qui ont posé problème lors des crises et notamment lors de la dernière. Or ces activités diffèrent en volume mais non en nature, des opérations ordinaires de trésorerie d’une banque de dépôt.

Il ne suffit donc pas d’une séparation à la serpe, il faut définir précisément quelles sont les limites entre les activités possibles et celles qui ne le sont pas, et les moyens de les faire respecter. De ce point de vue les limitations structurelles sont à rechercher plutôt que les limitations prudentielles qui sont toujours contournées.

 

Les « narrow banks » ou « banques étroites »

Une école de pensée met en avant le concept de « banque étroite ». Dans l’esprit des promoteurs de cette solution, la priorité est donnée à la sécurité des déposants et des contribuables. Pour arriver à ce but, on réduit l’activité de la banque de telle manière que ce qui reste ne soit plus risqué. L’ampleur et la nature de la réduction est variable selon les auteurs.

Certains entendent restreindre l’activité de la banque au strict minimum, soit :

– Le système de paiement pour tous les agents économiques (fourniture des billets, mécanismes de règlements et de compensation),

– Le recueil des dépôts

Ces banques auraient seules le droit de s’appeler « banques » et auraient le monopole du recueil des dépôts ainsi que de l’accès au système national et international de paiement. Toutes les activités de « trading » ou d’investissement financier leurs seraient interdites en dehors de la gestion courante de leur trésorerie.

Les dépôts recueillis seraient obligatoirement garantis par des actifs parfaitement sûrs, qui sont dans l’esprit des auteurs des titres d’Etat (certains pensent qu’ils doivent obligatoirement être à court terme, d’autres pensent que le marché des titres d’Etat est suffisamment liquide quelle que soit la durée de l’emprunt).

Les autres institutions financières ne pourraient donc pas recueillir de dépôts à vue, mais seraient autorisées à collecter des fonds auprès des investisseurs désirant placer leur argent dans la finance et l’industrie à des taux plus rémunérateurs mais avec un risque plus élevé. Bien entendu, seules les banques étroites seraient garanties par l’Etat en cas de crise.

Un bon représentant actuel de cette tendance est John Kay(4) . Pour lui, en plus du minimum ci-dessus, et bien que les banques étroites n’aient pas le monopole du crédit, elles peuvent fournir du crédit à leurs clients (ménages et PME) à condition de ne prêter que de l’argent épargné par d’autres agents (marché des fonds prêtables).

L’ensemble de ces dispositions, si on les adopte, a des conséquences assez profondes sur la nature et la régulation de la masse monétaire. Si la contrepartie des comptes courants des agents économiques est obligatoirement des titres d’emprunt de l’Etat et seulement des titres d’Etat, ceci signifie que l’Etat peut, en s’endettant, monétiser sa dette, tandis que l’endettement des autres agents provient obligatoirement de l’épargne préalable. La masse monétaire est donc égale à la quantité de titres de dette de l’Etat acquis par les banques(5) .

Il semble donc que ce soit l’Etat qui fixe le montant de la masse monétaire, et qui retire donc cette prérogative à la banque centrale. Mais celle-ci reste en réalité maîtresse du jeu, nous y reviendrons plus bas.

Remarquons toutefois que cette volonté de dénier aux banques la liberté de création monétaire conduit à transformer la régulation de la masse monétaire. Alors qu’actuellement la monnaie est créée par les banques avec une régulation (difficile) par la banque centrale et ses taux d’intérêt, dans le système des banques étroites la régulation par les autorités monétaires serait quantitative, c’est-à-dire que l’Etat au sens large (gouvernement ou banque centrale) serait amené à fixer le volume de création monétaire selon des modalités à définir.

Dans l’immédiat examinons une difficulté qui n’a pas échappé aux promoteurs du concept.

On voit de suite que le système de la garantie par des emprunts d’Etat ne marche que si le déficit de l’Etat est supérieur à la croissance attendue de la masse monétaire M1. En effet si ce n’est pas le cas, il n’y aura pas assez de titres de dette de l’Etat pour garantir la monnaie nouvelle. Si on suppose que la croissance est en moyenne de 2% et l’inflation aussi, la masse monétaire croît de 4% si la vitesse de circulation de la monnaie reste la même. Compte tenu des fluctuations de tous ces paramètres, la croissance nécessaire de cette masse de monnaie circulante peut facilement dépasser 5%. On voit immédiatement que ce chiffre est supérieur au déficit budgétaire maximum des accords de Maastricht ! Par ailleurs on connaît des pays vertueux qui ont des déficits très faibles, voire des excédents.

La réponse de John Kay à ce problème est que l’Etat doit alors s’endetter plus que pour ses besoins budgétaires, vendre ses titres aux banques étroites, et prêter l’argent ainsi généré à des organismes financiers non bancaires ou des entreprises « de 1ère classe », c’est-à-dire dignes de confiance. Mais cette réponse laisse un peu perplexe. Car comment déterminer qui est éligible ? Et puis obliger l’Etat à s’endetter plus que nécessaire uniquement pour avoir sa garantie, n’est-ce pas un peu exagéré ?

Il faut maintenant parler de la banque centrale. Il est étonnant que John Kay et les autres partisans des banques étroites n’aient pas regardé cet aspect de leur proposition. Car entre l’Etat et les banques, entre les banques elles-mêmes ainsi qu’entre les agents économiques clients de deux banques différentes, la monnaie et les titres ne peuvent s’échanger sans passer par les comptes de la banque centrale. Or nous montrons en Annexe que la prise en considération des comptes centraux modifie la vision qu’on a du système et conduit aux conclusions suivantes :

– L’interdiction de consentir des prêts créateurs de monnaie à d’autres agents qu’à l’Etat conduit à prévoir l’obligation pour les banques de conserver en banque centrale des réserves obligatoires en monnaie centrale de montant égal à 100% des comptes courants gérés.

– A partir du moment où les comptes courants sont garantis par la monnaie centrale, la présence de titres d’Etat n’est plus obligatoire.

– La monnaie centrale nouvelle utilisée en garantie ne peut provenir que de la banque centrale elle-même. On peut conserver le circuit de refinancement tel qu’il fonctionne aujourd’hui, les banques obtenant la monnaie centrale nécessaire en fournissant des créances en garantie, soit des titres d’Etat, soit, puisque ceci risque de ne pas être suffisant, des créances autres sur des prêts faits à partir de fonds collectés auprès des épargnants (ce qui oblige les banques à faire ce commerce).

– Si la banque centrale donne 100€ à une banque assujettie à un taux de réserves obligatoires de 100%, la banque concernée peut prêter exactement 100€, pas plus (sinon elle n’a pas de monnaie centrale pour constituer la réserve correspondant à l’excédent), et ces 100€ sont donc correctement garantis par les 100€ de monnaie centrale.

Résumons le mécanisme qui résulte de ces considérations (pour les détails voir l’Annexe) : la Banque Centrale décide (en concertation suivant les institutions avec le gouvernement et/ou le Parlement) de la quantité de monnaie centrale à distribuer. Elle décide d’abord quelle part elle consacre au déficit de l’Etat (encore en fonction des règles institutionnelles). Pour celle-là, elle achète les titres de dette au Trésor Public et les paie en monnaie centrale. Pour le reste, elle distribue cette monnaie centrale soit unilatéralement suivant une clé à définir, soit comme actuellement en réponse à une demande de refinancement des banques avec enchères, et impose un taux de réserves non rémunérées de 100%. Les banques étroites peuvent ensuite prêter à des agents non financiers en créant une quantité de monnaie exactement égale aux réserves qui garantissent ces dépôts.

Pour notre part nous sommes plutôt partisans d’un financement du déficit de l’Etat, cela éviterait un montant égal d’impôts supplémentaires, et l’Etat nous semble tout autant qualifié que d’autres pour investir dans l’intérêt de tous (avec bien entendu tous les garde-fous nécessaires). Mais nous venons de montrer qu’une mise en œuvre plus libérale est possible.

Avantages et inconvénients du système des banques étroites

Un avantage incontestable du système est que les comptes à vue des épargnants sont garantis à 100% par la Banque Centrale, donc par l’Etat et qu’aucune faillite catastrophique n’est possible (sauf manipulation frauduleuse) qui implique les comptes courants des ménages et des PME(6) .

Un inconvénient à mesurer est que la création monétaire est quantitative et strictement encadrée. Toute dépense à crédit du secteur privé qui dépasse ce quota doit être financée par des fonds existants. L’économie est-elle alors suffisamment financée ? Certains en doutent fortement. Pour eux, il est impensable que le secteur privé soit ainsi limité. C’est ce que pense par exemple Biagio Bossone(7) , qui défend l’idée selon laquelle la possibilité pour l’organisme prêteur de pouvoir créer la monnaie est essentielle à un marché du crédit efficace au service du secteur privé. Il propose alors, pour répondre au souci de protection des déposants, que les banques classiques aient deux sortes de comptes à vue, les comptes garantis, gérés selon les principes de la « banque étroite », et les comptes classiques non garantis.

On peut lui répondre d’abord que cette dualité est dangereuse, les banques étant incitées à favoriser leurs comptes « risqués » sur lesquels elles feraient plus de marge. On peut dire ensuite que le marché du crédit n’est pas supprimé par le système incriminé. D’une part la banque centrale libère un contingent de crédit au secteur privé (indispensable comme nous l’avons vu plus haut) et d’autre part si la création monétaire correspond globalement aux besoins de croissance de la monnaie, il n’y a pas de raison d’en créer plus et de risquer l’inflation, les emprunteurs supplémentaires doivent trouver des épargnants qui leurs fournissent les fonds. Certes, c’est la fin de l’argent facile, qui permet de créer l’argent en claquant des doigts, mais c’est bien ce qu’on veut empêcher n’est-ce pas ? On veut que l’argent créé aille aux endroits utiles et non vers les multiples casinos potentiels.

La véritable difficulté est dans la prévision des besoins de création monétaire, car elle dépend de paramètres non certains. La tentation sera grande de prévoir par exemple une croissance forte de 5%, et de ne pouvoir la réaliser pour des raisons non monétaires (accidents climatiques, compétitions économiques malheureuses, etc.…). La monnaie excédentaire pourrait alors se transformer en hausse des prix. Mais on peut éviter ce genre d’ennui en prévoyant une monétisation progressive et conditionnelle à la réalisation de la croissance, ce qui suppose d’avoir à sa disposition un organisme statistique performant.

 

Et le reste du secteur financier ?

Parlons maintenant du secteur financier autre que les banques étroites, les organismes que John Kay appelle les « maisons financières ». Peut-on comme il le fait les rejeter dans la jungle de la libre finance ?

Cela paraît difficile. D’abord, certaines activités financières sont tout à fait honorables, par exemple les fonds d’épargne ou de placements pour épargnants, qui sont recyclés en crédit immobilier ou à la consommation, voire à l’investissement des entreprises, bref tout le secteur de financement de l’économie réelle. Qui plus est, certaines activités de couverture de change qui sont à la limite de la spéculation sont nécessaires aux entreprises dans le système actuel des changes flottants. Peut-on dire que tout ceci n’est pas garanti et qu’on les laisse faire ce qu’ils veulent ? Le risque est qu’un accident comme celui de 2008 ne mette en faillite, s’ils ne sont pas garantis, des organismes financiers importants à la fois par la quantité de leurs salariés et par leurs liens financiers avec de grosses entreprises. On serait alors de nouveau obligé de les sauver.

Il faudrait alors probablement que tout le secteur financier qui fait des prêts aux ménages et aux PME, que ce soient les banques étroites elles-mêmes ou des « maisons financières » spécialisées, soient également exclues d’activités spéculatives, et que soit codifiée, comme l’a proposé Maurice Allais, la relation entre leur actif et leur passif afin de minimiser les risques(8) .

Ceci, joint au fait que la création monétaire leur est interdite, devrait amoindrir considérablement le risque de défaillance et surtout de contagion.

Reste les grandes entreprises, qui pratiquent, comme les salles de marché des grandes banques, des opérations sur titres, et surtout des opérations financières complexes de couverture. Interdire le « trading » pose le problème du contrôle, qui est probablement impraticable. La seule solution viable est d’en extraire les financements socialement indispensables, tels que les investissements immobiliers et productifs, et de fournir ceux-ci par les structures spécialisées évoquées plus haut. Si les opérations de couverture de change sont contrôlables, elles pourraient également être fournies par ces maisons financières spécialisées. Pour le reste, les activités seraient considérées comme non utiles socialement, l’objectif est donc de les encadrer pour en limiter les excès. Une taxe sur les transactions financières est un bon moyen d’encadrement.

 

Conclusion

Nous préconisons donc le système suivant (bien entendu, il est amendable et il faut en voir surtout l’esprit) :

1) La régulation de la masse monétaire est faite quantitativement par la banque centrale, suivant un échéancier décidé conformément aux lois en vigueur. Elle consacre une partie de l’accroissement de cette masse au financement du déficit de l’Etat.

2) Les banques étroites, qu’on appelle simplement « banques », reçoivent l’ensemble de l’accroissement de la masse monétaire, soit par le canal des dépenses de l’Etat pour l’équivalent de son déficit budgétaire, soit directement de la banque centrale pour le reste, par une procédure de refinancement à déterminer. Elles peuvent prêter en s’appuyant sur cette monnaie centrale, étant entendu que les dépôts à vue sont assortis d’un taux de réserve obligatoire de 100%. 1 euro de monnaie centrale se traduit alors par 1 euro de prêt et in fine par 1 euro de compte courant.

3) Les banques ont le monopole des dépôts à vue et du système de paiement. Elles sont interdites de trading et de placements financiers. Elles peuvent, sans monopole, prêter aux ménages et aux PME, ainsi qu’à toute entreprise pour l’immobilier et l’investissement productif.

4) Ces prêts sont financés par création monétaire à concurrence de la dotation par la banque centrale, et pour le reste par collecte auprès des épargnants.

5) Les organismes financiers non bancaires ou « maisons financières », peuvent également prêter aux ménages et PME, pour l’investissement immobilier et productif, et pour toute opération financière socialement utile qui serait contrôlable. Elles doivent alors être spécialisées dans ces types de financement et sont interdites de trading et de placements financiers comme les banques. De plus, elles ne peuvent recevoir de dépôts ni créer de monnaie. Leurs fonds doivent provenir de l’épargne des agents économiques.

6) Les maisons financières non spécialisées comme au § précédent fournissent des services financiers aux entreprises et peuvent faire du trading. Ces activités sont taxées par une taxe sur les transactions financières concernées.

7) Le gouvernement garantit la survie des banques et des maisons financières spécialisées dans le crédit « utile ». Il ne garantit pas les autres maisons financières.

 

 

Annexe

1) Rappels :

La banque centrale est partie prenante à tout paiement sauf ceux qui sont confinés à l’intérieur de chaque banque. Si Jacques fait un chèque à Paul et que tous deux sont dans la banque X, alors les débits et crédits des deux comptes sont une affaire purement interne à la Banque X. Mais si Jacques est dans la Banque X et Paul dans la Banque Y, alors la banque X devient débitrice de la Banque Y et cette dette est résorbée par mouvement des comptes des deux banques en banque centrale. Pour tout détail, le lecteur pourra utilement se reporter à notre fiche N°4. Le Trésor Public peut être considéré comme la banque de l’Etat, il a donc lui aussi un compte en banque centrale, et tout mouvement de monnaie de l’Etat vers le compte d’un agent ou inversement se traduit lui aussi par des mouvements dans les comptes centraux.

2) Les conséquences du mécanisme de la « banque étroite » :

Telle que présentée par les promoteurs de la banque étroite, tout compte courant doit se trouver garanti par un titre de dette de l’Etat. Ceci signifie que si la banque a 100€ de compte courant de l’agent A à son passif, elle doit avoir 100€ de créance sur l’Etat à son actif. Par conséquent seule la dette de l’Etat peut être monétisée.

Supposons donc que l’Etat, par un nouveau déficit, dépense 100€ auprès de l’agent A. La banque X de A se trouve créancière du Trésor Public, et doit donc régler sa dette en monnaie centrale. Simultanément, l’Etat émet 100€ de titres de dette et les vend sur le marché à la banque X, qui doit donc verser au Trésor Public les 100€ qu’elle lui prête. Les deux versements s’annulent donc, et si toutes ces opérations pouvaient être simultanées, on pourrait aboutir ainsi à la situation recherchée par les inventeurs de la banque étroite, soit 100€ de monnaie nouvelle sur le compte de A dans la banque X, garanti par les 100€ de nouvelle dette de l’Etat à l’actif de la même banque.

Mais ces opérations ne peuvent être simultanées. Les banques et le Trésor Public font chaque jour des centaines de milliers d’opérations, et il est impossible de garantir à tout moment la parfaite adéquation entre le volume de monnaie contenu dans les comptes d’une part, et les titres à l’actif d’autre part, car les titulaires de comptes sont libres de faire circuler leur monnaie de banque en banque. C’est pour cette raison qu’il existe un marché interbancaire et un refinancement par la banque centrale pour fournir ainsi le « fond de roulement » indispensable. Comme le mécanisme actuel des réserves obligatoires le montre, les banques ne peuvent être astreintes qu’à ajuster leur équilibre à date fixe, par exemple en pratique à toutes les fins de mois.

Mais il apparaît alors une contradiction entre d’une part la disponibilité obligatoire de monnaie centrale et d’autre part l’interdiction qui est faite aux banques de monétiser cette monnaie centrale. En effet, si elles faisaient une telle monétisation, elles généreraient de la monnaie bancaire garantie par de la monnaie centrale et non par des titres d’Etat, ce qui est exclu. Comment alors empêcher une telle monétisation ?

La recherche d’un mécanisme rationnel conduit à renoncer à exiger des titres d’Etat à l’actif des banques, mais de leur demander de détenir le même montant de monnaie centrale, étant entendu qu’elles ne peuvent monétiser 100€ de monnaie centrale qu’une fois, c’est-à-dire qu’elles peuvent consentir un prêt créateur de monnaie de 100€ et pas plus. Ceci revient à dire que les comptes courants en monnaie bancaire sont assortis de réserves obligatoires à 100%.

Certes la garantie des comptes courants est maintenant faite par de la monnaie centrale, donc par la Banque Centrale, et non par l’Etat, mais il faut observer que la banque centrale, du point de vue monétaire, c’est l’Etat. La garantie est tout aussi solide. Par ailleurs on évite ainsi tout problème de tension sur le marché des titres d’Etat, qui pourrait être causé à certaines périodes lorsque les banques seraient en chasse pour respecter les contraintes de bilan.

3) Et le déficit de l’Etat ?

Avec notre nouveau système, plus besoin de titres d’Etat. Cependant, si la banque centrale fournit sa monnaie contre des titres apportés en garantie, elle aimera certainement obtenir des titres particulièrement sûrs qui sont ceux de l’Etat (parmi d’autres, puisque leur volume ne sera pas suffisant). Mais alors si ces titres de dette se retrouvent à l’actif de la banque centrale, pourquoi ne les achèterait-elle pas elle-même, fournissant ainsi au Trésor Public directement la monnaie centrale qu’il recevra de toute façon ? Elle procèderait ainsi pour une part de la monétisation nouvelle, et par refinancement classique pour le reste.

 



(1) Chiffres cités par JP Fitoussi dans « Après la crise, un conte parfaitement immoral », Le Monde du 05/01/2010

(2) Au moment où nous écrivons ces lignes, le président des Etats-Unis vient de déclarer vouloir limiter la taille et les activités spéculatives des grosses banques de dépôt. Son ton très agressif nous laisse penser qu’il veut aller assez loin dans ce sens, mais il faut attendre le texte de loi pour avoir une idée claire de la valeur des mesures proposées. Nous espérons que le présent article en facilitera l’analyse par le lecteur.

(3) Eric Laurent vient de sortir « La face cachée des banques » Plon, 2009, qui nous montre combien les dirigeants des banques américaines ne recherchent que le profit à court terme, sont insensibles aux questions éthiques, et ne comprennent que le rapport de forces.

(4) “Narrow banking : The reform of banking regulation” John Kay, Centre for the Study of Financial Innovation, Sept 2009. http://www.johnkay.com/2009/09/15/narrow-banking/

(5) L’agent économique bénéficiaire du déficit de l’Etat voit son compte courant augmenter. La banque étroite qui gère ce compte doit trouver un titre d’Etat pour garantir ce supplément. Si alors l’Etat, pour financer son déficit, vend un titre de dette à la banque étroite, celle-ci trouve ainsi la garantie cherchée. Si toutefois l’Etat vend son titre à un agent non bancaire, alors cet agent devra, pour payer le titre, ponctionner son compte courant d’autant, ce qui diminue le montant à garantir d’autant. Dans les deux cas, la masse des compte courants qui en résulte est garantie comme auparavant, mais elle n’augmente que si l’Etat vend le titre à une banque.

(6) Complété par notre analyse, le concept de « banque étroite » rejoint celui du « 100% monnaie » préconisé par Irving Fisher en 1933 puis Maurice Allais en 1947, pour précisément couvrir les dépôts à 100%.

(7) « Should banks be narrowed ? » B. Bossone Public Policy Brief Highlights N°69A (2002) (Levy Economic Institute of Bard College) http://www.levy.org/pubs/hili69a.pdf

(8) Maurice Allais a proposé en 1947 que les banques ne puissent pas prêter à un terme plus long que celui des ressources dont elles disposent.



2 commentaires pour “La structure des banques en question”

  1. Deux questions assez liées:
    1) si les banques deviennent en somme un service public délégué ( pour tenue de comptes sans frais et octroi de crédits utiles ),comment les rémunérer publiquement au juste niveau?
    2)s’il y a réglage permanent attentif du flux de création monétaire et rémunération publique des banques au juste niveau, peut-on en conséquence espérer une certaine stabilité des taux d’intérêt créditeur et débiteur ?
    Par avance merci.

  2. Bonjour Rolland,
    1) Sur la rémunération des banques, je pense que normalement leur commerce de prêt à partir de fonds épargnés devrait être suffisant pour gagner leur vie par la marge entre taux débiteurs et créditeurs. Si ce n’est pas le cas, il faudra trouver moyen de leur fournir un financement complémentaire : subvention (si on tient à un « service public gratuit ») ou facturation du service aux usagers.
    2) Les coûts des banques ne déterminent au mieux que la différence entre taux créditeurs et débiteurs, mais pas leur valeur absolue. Celle-ci sera déterminée d’un côté par le marché des fonds prêtables et du crédit (offre et demande de fonds), d’un autre côté par la banque centrale qui refinance les banques pour la partie création monétaire à un taux directeur, et enfin par la politique quantitative qui va augmenter ou diminuer la quantité de fonds prêtables. Au total j’ai l’impression qu’on ne peut dire si les taux d’intérêt seront plus ou moins volatils qu’aujourd’hui.

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