Le mécanisme du multiplicateur (dit »multiplicateur keynésien »)

Ce papier a pour objectif d’expliquer le raisonnement du multiplicateur keynésien. Le raisonnement part de l’idée que si l’Etat fait une dépense en créant un déficit, c’est-à-dire en ne prenant les ressources à personne, ces ressources nouvelles vont circuler dans l’économie. La dépense de l’Etat va consister a verser l’argent à des entreprises, qui les redistribueront en revenus.

Toutefois, lancé au départ dans le circuit n’est pas transmis en totalité à d’autres agents. D’une part les agents épargnent une partie de leur revenu (typiquement 15% en France). D’autre part, ils dépensent une partie de ces revenus à l’étranger (typiquement en France 25%). Il y a donc moins d’argent lorsque les revenus du 1er tour sont à leur tour dépensés auprès des agents du second tour.

Le mécanisme du multiplicateur formalise ce raisonnement comme suit.

Supposons que la dépense annuelle de l’Etat soit a et que le nombre de tours dans une année soit n (circulations de la monnaie et des revenus). A chaque tour on injecte a/n. Cette injection tourne un nombre infini de tours, en perdant de la force à chaque tour comme expliqué plus haut.

Par ailleurs, pour raccorder ces injections de relance à la hausse du PIB, qui est une valeur ajoutée, on doit considérer que si on fait une dépense de 1 euro, on génère v euros de VA.

Les fuites en épargne et en importations pour 1 euro de VA générés sont (1 – x) euros à chaque tour. Il reste donc x après fuite.

Cependant on suppose qu’au premier tour (dépense par le gouvernement) la fuite peut être différente parce que le gouvernement peut orienter ses dépenses pour minimiser les fuites. De plus, l’Etat n’épargne pas. On écrit donc que les fuites sont (1 – y) au premier tour et (1 – x) aux tours suivants.

Au 1er tour, on injecte a/n de dépenses, soit va/n de VA. Après fuite, la dépense efficace de l’Etat est yva/n.

Au 2ème tour, on injecte de nouveau a/n qui génèrent de nouveau yva/n de VA, mais en même temps l’injection du premier tour entame un 2ème tour et génère en plus (après fuites au premier tour) xyva/n, soit au total (yva/n)(1 + x)

Au 3ème tour on retrouve la nouvelle injection et en plus les résidus des injections 2 premiers tours, après fuites successives au 1er et au 2ème tour, soit au total

Au bout d’un nombre de tours N suffisant on génère à chaque tour

Et à la limite (régime permanent après un grand nombre de tours)

Ceci est un résultat mathématique de limite de la suite infinie . En pratique on approche rapidement de cette limite (nous le verrons sur un exemple chiffré).

La VA annuelle est donc n fois cette valeur soit

On voit donc qu’en régime permanent le nombre de tours n’intervient plus, car chaque tour bénéficie de tous les tours précédents en grand nombre.

Cependant, pour la première année on n’est pas encore au régime permanent et on a donc

Application : Nous avons adopté comme valeurs des paramètres

v = 0,5

n = 5 (la masse monétaire M1 est 1/5 du PIB)

On suppose un taux d’épargne de 15% et un taux d’importation de 25%. Le taux d’importations est imparable. Le taux d’épargne est plus discutable, car il comprend un taux d’épargne financière de 5%, qui est certain, et un taux d’épargne immobilière de 10%, qui est pessimiste car une partie de cette épargne est mobilisée pour un achat effectif. Mais dans l’autre sens on peut supposer qu’en temps de crise ces achats immobiliers diminuent et aussi que l’épargne financière augmente. On gardera donc la valeur de 15%.

On suppose aussi que l’Etat n’épargne pas et qu’il peut cibler ses dépenses pour minimiser les fuites et les limite à 20%. Avec ces chiffres et hypothèses, x vaut 0,85´0,75 = 0,64 et y = 0,8.

Ce qui donne en régime permanent = 1,11 a. On doit donc injecter annuellement sensiblement le même montant que la VA annuelle récupérée.

S’il n’y a aucune fuite d’importation (c’est le cas où les partenaires relancent autant que la France et les exportations supplémentaires compensent les importations supplémentaires) il ne reste que l’épargne, on a donc x =0,85 et y = 1. On obtient alors en régime permanent 3,33. Il suffit alors d’injecter le tiers de la VA récupérée.

On n’est pas tout de suite au régime permanent.

Au nème tour

Les graphiques ci-dessous donnent la VA annuelle obtenue chaque année pour une injection unitaire annuelle. En haut et en bleu, on a le cas ci-dessus, qui culmine à 1,1. Les deux autres courbes sont pour des fuites plus importantes

Le graphique ci-dessous donne la progression lorsqu’il n’y a pas de fuites extérieures (x = 1). Il culmine à 3,3, comme indiqué plus haut.

Conclusion : Si on conserve les valeurs 0,64 et 0,8, on voit qu’on est pratiquement au maximum la deuxième année. Prenons comme hypothèse supplémentaire qu’il n’y a aucun effet intrinsèque de reprise pendant les 2 premières années. Si on veut obtenir +2% la première année au lieu d’une récession de -3% (soit un supplément de +5%), et une croissance de 3% la 2ème année par rapport à la première, on doit générer 5% du PIB la première année et 7% la deuxième, par conséquent, comme nous l’avons vu, injecter sensiblement la même somme si la relance est solitaire , ou le tiers si la relance est concertée. La troisième année, on suppose une reprise de 3% et on n’injecte que 5% + 2% + 2% – 3% = 6%. La 4ème année on juge si on doit en rester là ou pas. Au total 5 + 7 + 6 = 18% du PIB, toujours en cas de relance solitaire, et sinon au minimum 6% sur 3 ans.