Fiche N° 7 : La notion de liquidité

La notion de liquidité est inséparable de la notion d’actif. Nous allons commencer par définir ce concept.

Un actif est un objet matériel ou immatériel qui a pour son propriétaire une valeur monétaire actuelle et/ou future.

Des objets au sens propre, tels qu’une table ou une automobile, sont des actifs. Mais des entités immatérielles telles que des droits d’auteurs, des procédés brevetés ou des actions achetées en bourse, peuvent aussi être des actifs. Cependant, pour être qualifiés d’actifs par les comptables, tous ces objets doivent avoir une valeur monétaire. Une automobile a une valeur monétaire car le propriétaire peut la revendre. De même pour des droits d’auteurs. Si un objet n’a pas de valeur monétaire, on ne peut pas l’entrer dans la comptabilité et ce n’est pas un actif. Par exemple un litre d’eau de mer n’a en général, aujourd’hui, aucune valeur. De même, une idée même géniale mais non formalisée et non brevetée ne peut être un actif.

La valeur de l’actif est quantifiée par la monnaie que je peux en retirer. Par exemple la valeur d’une action Renault est à une date donnée de 52 euros. Mais il peut être plus ou moins facile de changer mon actif en monnaie. Pour l’action Renault, c’est très facile. Pour une usine, qui est aussi un actif, mais qui ne fera peut-être pas tout de suite des bénéfices, et qui ne peut être achetée que par peu d’investisseurs, la valeur de cet actif peut être difficile à transformer en monnaie sonnante et trébuchante.

C’est là qu’intervient la notion de liquidité. Un actif est très liquide si je peux le vendre rapidement à un prix correct. Inversement un actif illiquide est un actif difficilement réalisable.

L’actif le plus liquide est justement la monnaie légale. Les actifs qui sont négociables sur un marché où interviennent de très nombreux acheteurs et vendeurs, tels les actions des grandes entreprises, sont également très liquides. Mais ils ne sont pas tout à fait aussi liquides que la monnaie, car la probabilité que le titre en lui-même (l’entreprise faisant faillite) ou que le marché des actions s’écroule, bien que faible, n’est pas nulle. De ce fait la vente peut se faire à perte. A l’opposé, un bien immobilier est peu liquide, car la vente est longue et aléatoire.

Par extension de langage, on parle de liquidités à propos de la quantité d’actifs liquides possédés, en général il s’agit de monnaie ou de titres immédiatement réalisables à une valeur certaine. Ces liquidités sont en général conservées pour faire face à un risque de dépense imprévue. Par exemple une entreprise peut faire face à un risque que des affaires ne se réalisent pas et donc subir une perte exceptionnelle. Si elle a beaucoup de liquidités, elle fera face plus facilement que si elle n’en a pas.

 

La liquidité des banques

Les banques sont des entreprises particulières, et leur liquidité est objet d’attention, car les difficultés ou les faillites de banques peuvent avoir des conséquences importantes.

Pour une banque, sa liquidité est caractérisée par sa capacité à faire face aux demandes de liquidités de ses clients. Si ceux-ci ont un besoin brutal de mobiliser en monnaie leurs actifs plus ou moins liquides, présents dans les livres de la banque, celle-ci doit pouvoir faire face.

Elle est donc encadrée par des règles de bonne pratique et des règles légales, qui s’assurent qu’en face des passifs de différentes natures, qui pour une banque sont les dettes vis-à-vis de ses clients et ses créanciers, il y a suffisamment de liquidités. Pour une banque, avoir, de ce point de vue, suffisamment de liquidités, signifie pouvoir obtenir à tout moment suffisamment de monnaie centrale pour pouvoir régler les autres banques (qui lui demanderaient d’honorer les chèques ou virement de ses propres clients), ou rembourser des emprunts, et aussi acheter les billets que lui demanderaient ses clients en grande quantité. Pour faire face à ces demandes, une banque, au-delà des liquidités qu’elle possède en monnaie centrale, peut emprunter aux autres banques, ou vendre des titres, ou placer des titres en pension à la banque centrale.

La banque centrale surveille ce qu’on appelle la liquidité bancaire, qui mesure l’aptitude des banques dans leur ensemble à faire face à leurs obligations. Si elle juge que cette liquidité est trop faible, elle assouplit sa politique en baissant les taux d’intérêt ou en achetant des titres aux banques, et inversement si cette liquidité est trop forte.

L’enjeu de cette liquidité bancaire est le risque de crise financière « systémique » : une banque qui ne peut satisfaire une demande de liquidité de sa clientèle est en cessation de paiement par définition, ce qui peut entraîner ses consoeurs dans le même désastre. Par contagion, on assiste à des dépôts de bilan en cascade, et toute l’économie peut être touchée. C’est ce qui s’est produit en 1929 dans plusieurs pays.

 

La liquidité de l’économie

La liquidité des actifs et la liquidité des banques font appels à des notions comptables relativement précises. La liquidité de l’économie est un concept beaucoup plus flou. Intuitivement, on pourrait penser qu’une économie dans son ensemble est d’autant plus « liquide » au niveau macroéconomique que le patrimoine macroéconomique d’ensemble est liquide, c’est-à-dire transformable rapidement en monnaie.

Dans leur fonction de surveillance de l’inflation, les banques centrales surveillent cette liquidité globale, avec l’idée que plus l’économie est « liquide », plus le risque d’inflation est élevé. Mais comment formaliser cette liquidité de l’économie ? Pour ce faire, les économistes ont défini des agrégats de la partie monétaire ou quasi-monétaire du patrimoine des agents économiques, pour suivre leur évolution relative et tenter d’anticiper ces risques inflationnistes.

L’agrégat M0 est la base monétaire constituée par la monnaie centrale possédée par les banques sur les livres de la banque centrale. Elle influe sur la liquidité des banques, mais pas directement sur celle des autres agents.

L’agrégat M1 est tout simplement la monnaie en circulation et qui sert aux transactions. Elle est évidemment liquide. Les agrégats M2 à M4 contiennent en plus (ces agrégats s’emboîtent comme des poupées russes, chacun contenant tous les précédents) les comptes d’épargne de plus en plus longue, c’est-à-dire de moins en moins liquide. Par exemple M2 contient l’épargne à vue (livrets d’épargne), tandis que les SICAV monétaires et les plans d’épargne logement sont dans M3..

La banque centrale européenne, tout en suivant d’autres paramètres, accorde beaucoup d’importance à M3.Lorsque cet agrégat croît trop vite à son goût, elle en déduit que la liquidité de l’économie croît et s’inquiète de risques inflationnistes. Or on peut douter que cet agrégat M3 représente vraiment les liquidités qui peuvent entraîner une pression sur les prix, car les comptes d’épargne assez longue qu’il contient sont assez stables. Ils font partie du patrimoine et sont statistiquement peu mobilisés pour des besoins de trésorerie à court terme. Il est donc très douteux que la croissance de cet agrégat soit en quoi que ce soit inflationniste. En fait, il est probable que la BCE emploie cet argument, quand il l’arrange dans son discours public, pour justifier ses décisions.

Plus généralement, la mesure de la liquidité de l’économie par ces agrégats est très contestable. Si l’agrégat M1 (la monnaie liquide) est sans conteste en rapport avec les « liquidités » en circulation, les agrégats de niveau supérieur devraient être pondérés par leur mobilité, qui est déjà assez faible pour M2, et très faible pour M3. C’est dire si la mesure de la liquidité de l’économie n’est pas un concept bien établi. Nous serons amenés à reparler de ces agrégats, et de leurs rapports avec le risque inflationniste, dans une autre fiche.



5 commentaires pour “Fiche N° 7 : La notion de liquidité”

  1. notion bien expliquee.satisfaite

  2. La croissance du PIB (inflation et croissance en volume) implique que la masse monétaire croisse proportionnellement sur le long terme.
    La monnaie centrale donc aussi dans la même proportion.
    Or si j’ai bien compris , en période normale la BCE ne propose que des prêts à quelques mois à l’ensemble des banques commerciales, ce qui ne permet pas une croissance permanente de la monnaie centrale.

    Comment cette dernière peut elle donc se faire ?
    est-ce par des cessions de titres ? auquel cas cela suppose qu’il y ait un endettement continu de l’état ?

  3. @Philippe R
    Pour déterminer la contrepartie de la création monétaire pour une période donnée, il faut regarder l’évolution du bilan de la Banque Centrale sur la même période et voir de quoi est faite l’augmentation de l’actif.
    Il ne faut pas oublier d’abord la contrepartie de l’excédent commercial puisque la zone euro est excédentaire actuellement.
    Comme en général cela ne suffit pas, dans notre économie d’endettement, les agents économiques doivent être globalement endettés.
    Les ménages sont en général excédentaires.
    Les entreprises sont en général structurellement endettées et compensent l’épargne des ménages.
    Si cela ne suffit pas, effectivement L’État doit s’endetter. C’est une nécessité qui souvent est ignorée.
    Je vous rappelle qu’actuellement la BCE rachète une grande quantité de titres de dettes des États de la zone euro, dans son programme de « Quantitative Easing » toujours en cours.

  4. Merci beaucoup pour cette réponse.
    Donc ,si j’ai compris, hormis les entrées de devises, la croissance de la base monétaire à long terme ne peut résulter que du rachat par la banque centrale de titres d’état, donc par un endettement correspondant de cet état.

    pour une croissance PIB de 4% (inflation incluse) on aurait un appel de billets de 15% env. donc 0,6% du PIB en base monétaire à créer. La croissance des réserves obligatoires des banques est faible comparée à ce chiffre et peut peut-être être négligée.

    Par ailleurs la France a une balance commerciale déficitaire, contrairement à l’UE.
    J’imagine que la part intra-UE de ce déficit est compensé par une dette de la Banque de France envers les autres banques centrales , du fait de notre monnaie unique, et ne nécessite par d’augmenter sa propre base monétaire (?), mais la part hors UE devrait le nécessiter (?) et cela devrait se voir dans le bilan de la Banque de France.
    Je n’ai pas ce dernier chiffre en tête , mais la somme de ces deux effets conduit à un flux d’endettement minimal de l’état français non négligeable ? Comment peut-il envisager de se désendetter dans ce contexte, sans employer une politique récessive ?

  5. @Philippe R
    1. Tant que la France est dans l’euro, elle n’a pas de balance des paiements propres. C’est la ZE qui en a une, bénéficiaire.
    A l’intérieur de cette zone, les déséquilibres entre pays se mesurent par les dettes et créances globales entre banques centrales enregistrés par la BCE dans ce qu’on appelle le système Target 2. Dans ce système, la Deutche Bank a une énorme créance sur les autres, l’Italie et l’Espagne ont une énorme dette et la France est faiblement négative.
    2. Pour que de la monnaie soit générée, il faut qu’il y ait plus de nouvel endettement que de nouvelle épargne. Il n’est pas obligatoire que cet endettement soit celui de l’Etat. Il est arrivé dans certains pays et certaines périodes que les ménages s’endettent beaucoup. Si les entreprises s’endettent aussi l’Etat n’a pas besoin de s’endetter.
    En France jusqu’à maintenant, l’Etat est toujours déficitaire. je considère pour ma part qu’il est plus sain que l’Etat s’endette plutôt que les ménages. En effet c’est l’Etat qui a la charge de la régulation de l’économie.
    3. Vous demandez comment se désendetter. Mais en fait ce n’est pas une nécessité. L’enjeu n’est pas d’empêcher l’endettement mais d’empêcher que la dette ne nous mette à la merci des spéculateurs. Regardez le cas du Japon. Son gouvernement s’endette depuis des décennies mais la dette est chez les Japonais et non en bourse.

Laissez un commentaire