Fiche N°5 : Le seigneuriage

La création monétaire donne un revenu à celui qui a le pouvoir. Ceci peut choquer certains, comme le prix Nobel Maurice Allais, qui n’hésite pas à traiter les banquiers de faux-monnayeurs. Le but de cette fiche est de bien identifier en quoi consiste aujourd’hui ce seigneuriage, appelé ainsi car il était historiquement réservé aux seigneurs, battant monnaie, avant que ce pouvoir devienne un monopole régalien puis étatique…puis soit transféré majoritairement aux banques.

On peut aujourd’hui distinguer trois types de revenus de seigneuriage, correspondant à trois cas de création monétaire et trois bénéficiaires distincts.

 

1 La fabrication de pièces de monnaie

Les pièces de monnaie sont fabriquées en général par les Etats (ou à leur profit quand l’opération de fabrication est sous-traitée). En France c’est le Trésor Public, via l’administration des monnaies et médailles, qui est responsable de cette fabrication. La banque centrale en assure l’écoulement. Ces pièces coûtent beaucoup moins cher à fabriquer et à distribuer que leur valeur faciale. La différence est un revenu, qui était l’essentiel du seigneuriage historique(1); il est aujourd’hui devenu marginal. Mais le Trésor n’hésite pas parfois à se faire quelques recettes de poche en émettant des monnaies commémoratives splendides et fort chères.

 

2 La fabrication de billets de banque

Les billets, comme les pièces, ne coûtent pas cher à fabriquer. Mais le volume est plus important (aujourd’hui 1 à 2 milliards d’euros par an pour la France). C’est la banque centrale qui assume la responsabilité et le coût de fabrication des billets. En Europe la BCE répartit cette frappe entre les Etats membres suivant une proportion fixe.

Contrairement aux pièces de monnaie la différence entre prix de revient et valeur faciale des billets n’est pas un revenu direct pour son émetteur, la banque centrale. En effet, les billets sont « vendus » aux banques secondaires contre un paiement en monnaie centrale (voir Fiche N°4), mais c’est la banque centrale qui fournit cette monnaie aux banques contre rémunération de leur part ou cession d’actifs. Il y a donc tout de même un revenu, soit sous forme d’intérêts, soit sous forme d’actifs rémunérateurs.

 

3 Les intérêts sur la création de monnaie scripturale

Les banques peuvent prêter un argent qu’elles créent ex nihilo (voir Fiche N°2) et qui ne leur coûte qu’un jeu d’écritures. Mais le revenu tiré par les banques de cette création monétaire n’est pas égal à 100 % de cette création monétaire. Leurs gains bruts peuvent être estimés en appliquant un taux d’intérêt moyen (7%) à la création monétaire sous forme scripturale (environ 400 milliards d’euros en France), soit 28 milliards d’euros de marge brute. Il faut en déduire quelques(2) frais de gestion. De plus il faut reconnaître que, par rapport aux revenus dégagés par la masse globale de prêts ayant une épargne en contrepartie, ces prêts « gratuits » représentent aujourd’hui peu de chose.


(1) Les seigneurs et les rois n’ont cessé de réduire la quantité de métal précieux contenue dans une pièce en maintenant la valeur faciale, réalisant ainsi les premières « dépréciations » monétaires, confondues inexorablement avec des dévaluations. Ces dépréciations sont à l’origine de l’opprobre qui règne sur cette pratique, et de la valorisation morale d’une monnaie forte… 

(2) Difficile à chiffrer mais sans doute assez faible. Par ailleurs les banques facturent de plus en plus de frais divers. Les revenus encaissés à l’occasion commencent en France à devenir une part très significative du revenu bancaire (parfois plus de 50 %).



9 commentaires pour “Fiche N°5 : Le seigneuriage”

  1. Le gain des intérêts sur la création monétaire scripturale, est-il calculé annuellement grâce au taux d’intérêt moyen sur la création monétaire annuelle ou sur la monnaie qui a été créée et actuellement en circulation?

  2. @Tétef
    Dans le texte ci-dessus, le gain est sur l’ensemble de la masse monétaire existante, donc qui a été générée depuis la nuit des temps. Si on voulait le gain annuel, il faudrait prendre la monnaie supplémentaire générée chaque année, qui dépend de la croissance nominale, mais qui est inférieure actuellement à 6%. De même le taux d’intérêt qui est donné dans le texte est aujourd’hui plutôt inférieur à 2%. Ce qui donnerait 400 Milliards x (5% + 2%) x 2% = 0,56 milliard.

  3. Merci pour votre réponse.
    D’où vient le chiffre de 400 milliards d’euros comme aproximation de la masse monétaire existante créé sous forme scripturale par les banques?

  4. @Tétef
    Cherchez sur Google ou sur le site de la Banque de France les statistiques sur la masse monétaire M1 ou sur la somme des comptes courants et vous aurez la valeur pour l’année que vous avez trouvée.

  5. y a t-il de règles sur la répartition en coupures d’une monnaie? le nombre de dénominations (valeur faciale) possible pour une monnaie (billets)?
    Merci

  6. @Ngampuru
    Pas à ma connaissance. Les banques demandent à la banque centrale de leur pays les quantités de chaque type de billets qu’elles désirent, en fonction des demandes de leurs clients.
    Gabriel Galand

  7. Merci pour la précision. Personnellement, je fais partie de ceux qui pensent que les banques font du vol autorisé aux clients. Le mécanisme est assez simple en fait, et c’est très rentable pour les banquiers et aide peut-être les prêteurs. Mais cela ne change pas ma façon de penser.

  8. Bonjour,
    Puis je avoir d’eclaircissements sur la vente des billets aux banques de second rang par la banque centrale? n y a til pas parite entre la monnaie fiduciaire et celle scripturale au niveau de la base monetaire? quel est le prix d un billet de 1 euro en monnaie centrale?

  9. @Ngampuru,
    Bien sûr il y a parité. Pour obtenir un billet de 10 € la banque doit payer 10 € en monnaie centrale. C’est pourquoi le texte indique que les billets sont « vendus » avec des guillemets, car il n’y a aucun bénéfice direct pour la banque centrale. Il y a seulement un revenu indirect également indiqué par le texte car pour obtenir les 10 euros de monnaie centrale, la banque doit à un moment où un autre, céder ou mettre en pension des titres à la banque centrale (fiche n°4), et là-dessus elle paie un intérêt.

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