Fiche N°4 : La banque centrale, banque des banques

Dans la fiche N°2, nous avons vu deux choses sur les banques, que nous avons laissées de côté : la compensation des créances et dettes entre elles, et le contrôle de leur création monétaire.

Ces deux fonctions sont assurées par la Banque Centrale, qui est ainsi la banque des banques. Ces dernières, les banques ordinaires, on les appelle « secondaires », par opposition à la Banque Centrale.

De la même manière que nous avons un compte dans une banque secondaire, et pouvons faire circuler la monnaie qui y est inscrite vers le compte d’un autre agent, les banques secondaires ont un compte courant à la Banque Centrale, sur lequel est inscrit leur avoir sur ce compte courant. Cet avoir est libellé en Euros, comme la monnaie ordinaire, mais il est important de comprendre qu’il ne s’agit pas de la même monnaie que celle qui circule entre les agents économiques. La monnaie dans les comptes courants de la Banque Centrale est appelée « monnaie centrale », ou « base monétaire ». Elle ne peut circuler qu’entre banques secondaires, par débit ou crédit de leur compte courant en Banque Centrale. Nous allons essayer d’illustrer cela par un schéma.

Il est facile de comprendre que ce mécanisme permet aux banques de régler entre elles le solde des créances et dettes qu’elles n’auraient pas pu compenser. Il suffit que la banque débitrice vire, en Banque Centrale, vers la banque créditrice, un montant équivalent à son solde débiteur vis-à-vis de cette dernière. Et comment se procure-t-elle cette monnaie centrale ? C’est la banque centrale qui la lui fournit contre des titres. C’est ce qu’on appelle le refinancement.

Pour illustrer les mécanismes exposés ci-dessus, nous allons supposer que la BNP est restée avec la dette de 100 euros qu’elle a contractée envers le Crédit Agricole dans la fiche N°2 (« La monnaie scripturale »), et qu’elle n’a pas suffisamment de monnaie centrale pour solder sa dette. Elle doit donc se refinancer. Dans la figure la situation de départ figure en rouge.

Pour commencer, la BNP cède 100 euros de créances (mouvement 1). Ceci déclenche le virement de la Banque Centrale, qui crédite le compte BNP en monnaie centrale de 100 euros (mouvement 2). La BNP constate à son actif le supplément de 100 euros (également mouvement 2). Ensuite la BNP vire en banque centrale 100 euros de son compte vers celui du Crédit Agricole (mouvement 3), ce qui se constate à la fois en banque centrale, dans le bilan de la BNP (baisse des actifs) et dans celui du Crédit Agricole (hausse des actifs). En fin de compte, puisque la Crédit Agricole a été remboursé par la BNP, la dette s’annule des deux côtés (mouvement 4).

Au total, si on additionne toutes les colonnes, il ne subsiste que 2 mouvements : d’une part la BNP a cédé 100 euros de créances à la banque centrale, d’autre part le Crédit Agricole a augmenté son compte en banque centrale de 100 euros en monnaie centrale.

On voit que d’une part les comptes en monnaie centrale ont permis à la banque débitrice de régler sa dette, d’autre part que la banque débitrice a dû se refinancer auprès de la banque centrale.

Il reste à voir comment la banque centrale peut réguler tout ça, et empêcher par exemple une banque de faire des prêts ou des achats inconsidérés en créant de la monnaie sans limitation.

Pour ce faire, elle s’arrange pour que, plus les banques secondaires créent de monnaie, plus elles ont besoin de monnaie centrale. Et comme elle contrôle la création de monnaie centrale à travers le refinancement, le tour est joué.

Le besoin de monnaie centrale est créé de deux manières.

a) La Banque Centrale fait payer aux banques les billets qu’elles distribuent à leurs clients, et elle les leur fait payer en monnaie centrale. Or il est avéré que plus il y a de monnaie qui circule au total, plus il y a besoin de billets. Les agents économiques-(en France) convertissent en gros 15% de la monnaie qu’ils possèdent en billets. Cette proportion varie dans le temps (il y 50 ans la proportion était plutôt de 50%) mais assez lentement. Donc plus les banques secondaires créent de monnaie, plus elles doivent acheter de billets à la Banque Centrale, et débiter leur compte du montant correspondant.

b) Comme la Banque Centrale pensait que le moyen précédent devenait insuffisant, elle a inventé les « réserves obligatoires ». Ce mécanisme oblige les banques à détenir, sur leur compte en monnaie centrale, au moins une proportion fixe des comptes courants, c’est-à-dire de la monnaie créée(1), par exemple 2%(2). Donc, une fois de plus, une création supplémentaire de monnaie impose aux banques secondaires de se procurer plus de monnaie centrale.

Or la Banque Centrale prête aux banques secondaires la monnaie centrale dont elles ont besoin, mais premièrement elle leur demande des garanties, sous forme de titres de créances, deuxièmement elle leur facture un intérêt, dont elle augmente le taux si elle veut freiner la création monétaire, et le baisse si elle veut l’augmenter.

Voilà donc la signification profonde du taux d’intérêt fixé par les banques centrales et dont la presse parle très souvent. Ce taux, qu’on appelle parfois le « taux directeur », qui est à très court terme,influence d’une part les taux à moyen ou long terme, d’autre part influence, comme nous venons de le voir, le désir des banques de créer de la monnaie.

Ceci est-il suffisant pour une régulation efficace de la création monétaire ? Beaucoup en doutent. Mais ceci est une autre histoire. Retenons simplement que la Banque Centrale peut par ce moyen empêcher les banques de faire « n’importe quoi » en matière de création monétaire.

Les banques secondaires sont par ailleurs surveillées par la commission bancaire et le comité de règlement bancaire et financier, qui les contraignent à respecter un certain nombre de ratios entre des postes du bilan, ce qui empêche une banque de faire trop de prêts, et particulièrement trop de prêts hasardeux. C’est un autre moyen de l’empêcher de faire n’importe quoi. De cela nous parlerons également dans une autre fiche.


(1) La formule est un peu plus compliquée, mais ceci suffira à notre démonstration.

(2) Le taux pratiqué actuellement par la BCE est de 1%. Il est assez faible, mais il n’en a pas toujours été ainsi.